Ecole: France mal notée

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On dit souvent que les élèves Français sont plus stressés en classe que dans d’autres pays européens, qu’ils sont suspendus à leurs résultats et que la remise des carnets de notes est toujours un moment délicat pour la paix des familles… et ce, dès l’école primaire. Et pourtant…

Pourtant, à l’école primaire, le système est loin d’encourager la notation à tout prix. Et les irréductibles des Zéros pointés sont de moins en moins nombreux. On ne trouve quasiment plus d’écoles qui décernent des tableaux d’honneur avec de jolis livres remis aux meilleurs élèves de Français et de Mathématiques comme c’était encore le cas il y a une vingtaine d’années. Plus de bonnet d’âne pour les « cancres » de service. Pratiquement plus de classements formels qui permettent aux 10 premiers de la classe de revenir fièrement à la maison tandis que les petits derniers tentent de minimiser l’importance du bulletin trimestriel…

Notation scolaire : du côté des parents

Juliette. 10 ans, CM2
Je veux toujours être première de la classe alors je surveille les notes des autres quand la maîtresse rend les cahiers. Moi, je travaille beaucoup et si je n’ai que 9 sur 10, je ne suis pas contente de moi.

Les notes : ce que dit la loi

« Il n’y a pas de textes réglementaires régissant la notation dans le premier degré », explique-t-on au Bureau des Ecoles, au Ministère de l’Education. « Ces domaines sont laissés à l’initiative des enseignants et du conseil des maîtres. La seule instruction est, depuis la loi d’orientation de 1989, que les enseignants doivent transmettre les résultats aux parents, de façon compréhensible, via un livret trimestriel d’évaluation.»

 Les écoles primaires doivent aussi participer à des évaluations nationales, jusqu’à présent en CE2, et à la rentrée prochaine également en CE1. Ces évaluations, réalisées en début d’année, permettent à la fois d’appréhender le niveau général de la classe, de l’école, voire de la ville et de la région, mais aussi de déceler les lacunes éventuelles de certains élèves pour, théoriquement, adapter le cours aux capacités différentes des enfants.

Le dada des parents

Hannah, 11 ans, CM2
La maîtresse donne des notes pour les dictées, la poésie ou les exercices de mathématiques. Mais tous les jours, on se réunit pour donner une autre sorte de note qu’on appelle les ceintures, comme pour les ceintures de judo, et qui ne concerne que notre comportement. Un point noir, tout va bien. Marron, c’est que l’on a enfreint au moins une des règles de la classe, par exemple, si on a dit des gros mots ou poussé un camarade. Violet, ça va mal… Ce qui est bien, c’est que l’on discute entre nous pour attribuer chaque couleur. Alors, tout est parfaitement justifié et on essaie de faire plus attention quand il y a des dérapages…

Quelle notation pour quel âge ?

Les enseignants de primaire optent souvent pour des commentaires plus ou moins sobres, certains préférant se concentrer sur l’attitude de l’enfant (« tu n’es pas assez concentré »,  « applique-toi », etc.), d’autres usant de l’appréciation rapide allant du « très bien » à « vu », ce dernier étant souvent moins traumatisant qu’un « Mauvais », « insuffisant » ou carrément « 0 ».

Les réelles notations chiffrées sont plutôt utilisées, selon le Bureau des Ecoles, dans les classes de Cours moyen (CM1 et surtout CM2), préparant l’enfant aux nombreux devoirs notés du collège. Deux points de vue s’opposent régulièrement. Le plus communément admis, aujourd’hui, est qu’il n’y a pas de compétition à l’école primaire, donc que le classement est à éviter.

L’autre point de vue consiste à miser sur le classement pour mettre en place une émulation dans la classe. C’est ainsi que l’on voit encore certains enseignants noter systématiquement les dictées dès le CP, offrant des bons points uniquement à ceux qui ne font aucune faute, pendant que les autres rêvent d’une récompense qui leur est bien souvent inaccessible.

Les notes et le rôle de l’enseignant

Les notes comme les appréciations pèsent sur l’avenir de l’enfant, qui veut, le plus souvent, bien faire mais n’y arrive pas toujours. C’est parfois une question de travail, c’est souvent un problème de maturité ou un souci familial.  Et ce n’est pas facile pour de si jeunes élèves d’affronter tout d’abord le mécontentement de l’enseignant, puis la déception des parents. Pas facile de surmonter la peur d’échouer, cette peur qui paralyse au moins aussi souvent qu’elle ne motive.

L’enseignant se retrouve souvent, dans la réalité ou dans l’esprit de l’élève, dans la position du juge évaluant le travail de l’enfant sans grande bienveillance. Alors qu’il devrait avant tout être un guide, analysant les lacunes pour mieux aider l’enfant à progresser en le soutenant là où il a des faiblesses. L’évaluation devrait être avant tout un outil pour l’enseignant, lui permettant de mettre en place un enseignement différencié selon les compétences des élèves. « Les enseignants reconnaissent de plus en plus le bien fondé des évaluations nationales, mais se demandent souvent comment en exploiter les résultats », explique Patrick Picard.

« Faire un diagnostic est une chose, résoudre le problème en est une autre. Et les enseignants ne savent pas s’ils doivent se transformer en rééducateur individuel, ni comment gérer ces parcours individuels dans un ensemble classe, s’ils doivent faire appel au réseau d’aide spécialisé aux élèves en difficulté, demander des prises en charge extérieures… Les enseignants se sentent souvent en manque d’accompagnement et de formation pour prendre en charge les difficultés des élèves mises en lumière par les évaluations ».

Vers une nouvelle réglementation des notes ?

C’est un des objectifs des expérimentations autour des Programmes Personnalisés de Réussite Educative, menées en CP et en CE1. Ces PPRE cherchent à mettre en place des solutions pour permettre une réelle différenciation des parcours et une remédiation des difficultés de l’élève.

« On a du mal à se passer de l’évaluation qui permet à la fois de proposer une aide adaptée aux compétences de l’enfant, de transmettre des informations sur cet enfant aux parents, et d’évaluer un niveau global de l’éducation en France par rapport à des référentiels de connaissance, » commente-t-on au Bureau des Ecoles. « Mais il faut trouver un juste équilibre entre ces différents objectifs et surtout les outils spécifiques qui permettront de les renseigner au mieux ».

Une notation bien française

« En France, il est difficile de sortir de la logique des « bons élèves », » regrette un ancien enseignant. « Dans une classe, il faut qu’il y ait une tête de classe avec des « bons élèves », une queue de classe avec les « mauvais » et un « marais » avec les autres qui oscillent entre les bons et les mauvais. On conçoit rarement, comme cela se fait couramment aux Etats-Unis, une classe qui réussirait uniformément, une classe où certains auraient plus de compétences scolaires, alors que d’autres réussiraient mieux dans le relationnel ou dans le sport et que les uns et les autres, ensemble, feraient progresser toute la classe ».

De mauvaises notes pour valoriser les bonnes

Cette nécessité d’avoir, en permanence, une proportion d’environ un tiers de mauvaise note est ce que André Antibi, Directeur du laboratoire des sciences de l’éducation de l’université Paul-Sabatier à Toulouse, a appelé « la constante macabre de la notation », dans son ouvrage éponyme paru en 2004. Il montre, avec force statistiques et courbes, que même si l’on prend les meilleurs élèves de différentes classes pour créer une nouvelle classe, celle-ci continuera a obtenir un tiers de bons résultats, un tiers de résultats moyens et un tiers de mauvais résultats. Comme s’il fallait que, pour que certaines notes soient considérées comme bonnes, elles soient confrontées à autant de mauvaises notes. Cette permanence des tiers dans le système français d’évaluation est ce que le chercheur appelle la constante. Et elle est macabre car elle désespère un tiers de l’effectif scolaire…

Quelles solutions apporter ?

Difficile à dire. Car si l’institution et les enseignants évoluent vers des notations plus qualitatives que quantitatives et surtout moins répressives, les parents, eux, continuent de vouloir à la fois que leur enfant soit « bien à l’école », mais aussi qu’il soit « bon à l’école »… Et pour en être sûrs, ils veulent des notes. C’est ainsi que tous les jours arrivent au Bureau des écoles des protestations de parents qui trouvent les enseignants trop laxistes car ils ne notent pas assez les enfants, les empêchant, ainsi, de savoir comment cela se passe en classe pour leur rejeton …

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