Passion ou passade ?

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La passion n’attend pas le nombre des années. Mais attention, sous ce terme largement galvaudé se cachent parfois juste des passades, parfois aussi le sens de toute une vie. A quoi ressemble la passion quand on a 7, 10 ou 12 ans ? Comment la reconnaît-on ? Que signifie-t-elle au juste ? Côté Mômes ouvre le champ d’un domaine encore bien mystérieux.

Claude Halmos : « Etouffer une passion, c’est une mutilation »

Claude Halmos, psychanalyste et auteur de nombreux ouvrages dont L’autorité expliquée aux parents paru chez Robert Laffont, s’est penchée pour nous sur le brûlant sujet de la passion.

Côté Mômes : Doit-on, en tant que parent, encourager la passion chez son enfant ?
Claude Halmos : Il faut la respecter. Une passion qu’on étouffe, c’est une branche qu’on ne laisse pas pousser. C’est une mutilation d’empêcher un enfant de vivre ce qui l’attire. Et comme toute mutilation, c’est une violence. On le prive d’une source d’épanouissement et de bonheur. Je rencontre des adultes qui me disent qu’ils auraient tant aimé faire de la danse par exemple mais qu’ils n’ont pas pu parce que leurs parents n’en avaient pas les moyens. Mais on s’aperçoit que l’argent est souvent un alibi. Je leur fais remarquer qu’il existe des conservatoires municipaux, des tas d’initiatives, d’associations, où l’on peut s’adonner à sa passion à moindres frais. Mais souvent, comme par hasard, on n’a pas cherché.CM : Quelles sont les conséquences de passions non assouvies enfants quand on devient adulte ?
CH : Quelquefois, on a réussi à tuer le désir chez l’enfant, à faire en sorte qu’il ne l’éprouve plus et ça, ça fabrique de l’angoisse. Quelquefois il y a des passions que l’on garde toute la vie mais ce n’est pas pareil alors d’apprendre la musique ou la danse… Pour la danse par exemple, il y a des liaisons qui se font dans le corps quand on est enfant qui ne se feront pas à l’âge adulte. On peut danser correctement si on commence à l’âge adulte mais on n’aura jamais la facilité qu’ont ceux et celles qui ont commencé enfants.

Quels garde-fous à leurs passions?

CM : Comment trouver la juste mesure pour qu’un enfant puise s’adonne à sa passion sans qu’elle l’absorbe complètement ?
CH : Il y a une question de bon sens. Si on veut faire du sport, faire du théâtre, on en fait mais on continue ses études, en tout cas pendant un certain temps. Il faut dire à l’enfant qu’on peut avoir une passion à un âge et ne plus l’avoir après, que l’on peut, dans la pratique de quelque chose, trouver que finalement on adorait ça à une époque mais plus maintenant. On est dans une société très difficile, il faut donc mettre toutes les chances de son côté et donc passer le maximum d’examens, en tout cas ne pas tout sacrifier à une passion dans un premier temps.CM : Quelle est la différence entre une passion et une addiction ?
CH : Les addictions, c’est pathologique, ça coupe du monde, c’est un intérêt pathologique pour quelque chose qui vous coupe de tout le reste… Et puis ça concerne rarement les enfants. Une passion n’isole pas du monde, elle prend du temps, une partie de l’énergie mais elle ne coupe pas du monde et des autres.

Comment grandissent les passions?

CM : Quelle est la différence entre une passion d’enfant et une passion d’adolescent ?
CH : Sur le fond, ce n’est pas tellement différent… Si ce n’est qu’il y a des adolescents qui se passionnent pour des idoles… C’est très important pour eux parce que ça les fait se reconnaître dans leur génération, ça fait lien entre eux… Mais on ne peut pas dire qu’il s’agisse vraiment de passion, ils sont « fans de », ce n’est pas la même chose. C’est quelque chose qui peut passer mais qui a une vraie utilité à un moment donné de leur vie. CM : D’où vient une passion que l’on ne s’explique pas et peut-on l’assimiler à une prédestination ?
CH : Il n’y a pas de prédestination. La passion, elle, existe bel et bien et finalement, peu importe d’où elle vient.  Il y a des enfants qui, quand ils deviennent grands et qu’ils cherchent dans leur histoire ce qui a pu faire qu’ils aient été animés de telle ou telle passion, découvrent par exemple que cela correspond à un rêve non abouti de leur père ou de leur mère. Parfois, en faisant des recherches généalogiques, des adultes qui font une analyse découvrent que leur grand-mère, par exemple a eu une grande passion avec un violoniste… Et que c’est pour cela sans doute qu’ils sont férus de violon !

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