L’alimentation de la femme, les positions sexuelles, le tri des embryons, autant de méthodes pour faire des filles ou des garçons qui soulignent notre persistance à vouloir maîtriser le mystère de la vie. Une tentative qui se conjugue bien souvent avec la folle ambition de quelques savants de trouver LA méthode. Focus sur le régime alimentaire maternel.5090
Dis-moi ce que tu manges, je te dirais ce que tu attends…
Suivre un régime alimentaire particulier avant de tomber enceinte serait une façon d’orienter le sexe de son enfant. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que cette méthode est sujette à controverse ! Pour faire le point, nous avons rencontré le docteur François Papa (ça ne s’invente pas), gynécologue obstétricien, auteur d’une étude* sur le sujet et d’un livre « Choisir le sexe de son enfant par la méthode du régime alimentaire » (avec Françoise Labro, éditions JC Lattès).
Côté Mômes : Comment l’alimentation de la future maman peut-elle influencer le sexe du futur enfant ?
Dr.Papa : Dans tous nos aliments on retrouve du calcium, du magnésium, du potassium et du sodium en proportions diverses. Or on s’est aperçu qu’une alimentation riche en calcium et en magnésium modifiait le PH vaginal de la femme (son taux d’acidité), au point de « bloquer » la pénétration des spermatozoïdes Y dans l’ovule, tandis qu’une alimentation riche en sodium et en potassium allait bloquer l’entrée des spermatozoïdes X.
Le but du régime alimentaire est donc de modifier les apports en sels minéraux dans un sens ou dans l’autre, c’est-à-dire augmenter les apports en sodium et en potassium et limiter le calcium et le magnésium pour avoir un garçon, et inversement pour avoir une fille. Pour les patientes, cela se traduit pas une liste d’aliments obligatoires, à prendre tous les jours, une liste d’aliments autorisés, à prendre quand elles le souhaitent et dans la quantité qu’elles souhaitent, ainsi qu’une supplémentation en potassium (pour avoir un garçon) ou en calcium et magnésium (pour avoir une fille). Tout aliment qui ne fait pas partie de ces listes est interdit, et aucun écart n’est possible. Autant dire que c’est assez contraignant, mais le taux de réussite avoisine les 87%.
CM : Quelles sont les recommandations assorties au régime ?
Dr.Papa : On commence le régime quand on veut, mais il faut attendre ensuite au moins deux mois et demi avant de concevoir (donc protéger les rapports durant cette période). On arrête dès que l’on est enceinte. Ce qui veut dire qu’on sait quand ça commence, pas quand ça finit… On vous demande de tenir au jour le jour un carnet récapitulatif de tous les produits consommés dans la journée et de venir en consultation tous les mois faire le point.
Une fois établie que vous êtes en bonne santé, le régime ne peut en aucun cas créer de carence. Il existe cependant des contre-indications, comme l’hypertension, le diabète, les maladies cardiaques, l’insuffisance rénale, etc. Dans tous les cas, les femmes ne doivent pas commencer de régime sans consultation préliminaire.
CM : On lit souvent que votre étude sur le régime alimentaire a été faite sur un trop petit nombre de femmes pour être vraiment significative…
Dr.Papa : Pour mon travail à la maternité de Port-Royal (hôpital Cochin), l’étude statistique a été assurée par Monsieur Bréart de l’INSERM, qui nous a aidé sur la méthodologie à suivre. Certes, 70% des 200 femmes participant aux essais cliniques ont abandonné en cours de route, mais depuis, ma pratique en privé tourne autour d’un millier de femmes, ce qui suffit amplement à rendre les résultats significatifs !
* « Sélection préconceptionnelle du sexe par la méthode ionique. Régime alimentaire. Résultats d’une étude clinique prospective de deux ans » (Papa, Henrion, Bréart), publiée en 1983 dans le Journal de gynécologie obstétrique et biologie de la reproduction (12-415-422). F. Papa a également publié « Peut-on programmer le sexe de son enfant ? Où en est-on 20 ans après ? » en 1999 dans la revue Information Diététique n° 4:62-6.
La recette de Papa les laisse sceptiques
Jean-Pierre Ameisen, président du Comité d’éthique de l’INSERM, rappelle ce à quoi tient la rigueur scientifique : « en communication grand public, tant que quelque chose n’a pas été reproduit ni publié dans une revue scientifique internationale, on ne devrait pas donner d’espoir aux gens. Les découvertes qui n’ont pas été ainsi validées ne sont pas forcément fausses, mais restent sans réelle signification scientifique ».
La méthode du Dr Papa a été publiée en 1983, dans une publication française sans comité de lecture international. Il faut donc la prendre telle qu’elle est, c’est-à-dire comme une méthode intéressante, mais sans résultats garantis…
Interrogé, le Pr. Roger Henrion, membre de l’Académie de médecine, chef de service du Dr Papa à la maternité de Port-Royal à l’époque où il a mené ses expérimentations, explique : « le Dr. Papa a conçu son régime à partir d’expérimentations sur les poissons et les bovins, qu’il a extrapolé sur les femmes. A l’époque, il nous semblait intéressant de mener cette étude prospective comme moyen d’éviter des IVG dues à des maladies héréditaires liées au sexe. Il n’y a pas eu d’application clinique en France en dehors de la sienne. Aujourd’hui, je pense les 87% de réussite qu’il annonce sont très optimistes ».
De son côté, le Pr. Claude Sureau, gynécologue, membre du Comité Consultatif National d’Ethique, estime que le docteur Papa est une des rares personnes à croire en sa méthode, mais ajoute qu’il n’a pas non plus la preuve du contraire…