Trois questions à Isabelle Levy, formatrice et conférencière sur les rites culturels et religieux de la naissance à la mort dans le cadre hospitalier.
Pourquoi avez-vous étudié les rites de naissance ?
Après 15 ans de travail à la direction des hôpitaux, je me suis intéressée aux rituels de naissance, à la mort, aux pratiques culturelles et religieuses, pour aider les soignants. Ils avaient besoin de comprendre les rites auxquels les familles faisaient constamment référence et qui leur étaient inconnus, et personne ne savait comment prendre le problème… Je me suis donc lancée. Je suis d’abord allée à la rencontre des aumôniers des hôpitaux. Ils m’ont expliqué le pourquoi des rites et comment en tenir compte. Ils m’ont parfois envoyée vers des ethnologues, des lectures ou des personnes de référence. J’ai rédigé un premier guide en 1996, intitulé Soins & Croyances, avec des cas concrets et des réponses pratiques pour les soignants, puis un livre qui s’adresse à tous, Croyances & Laïcité (Estem, 2002). J’y ai adapté les coutumes aux exigences du soin et de l’hygiène et à la législation française.
Quel genre de problèmes rencontrent les soignants ?
Eh bien par exemple, dans les maternités, on ne comprenait pas pourquoi les femmes chinoises ne voulaient absolument pas enlever leurs chaussettes dans la salle de naissance, même sales… En enquêtant, j’ai appris – et transmis -, que traditionnellement, les Chinois confèrent aux pieds une dimension très érotique, et donc que les femmes les cachent par pudeur, et d’autre part que leur plus grande angoisse, avant et après l’accouchement, est d’attraper froid… Quand on prend en compte les us et coutumes des uns et des autres, la relation patient/soigné est bien meilleure, car la prise en charge est personnalisée. Bien sûr, on ne peut pas tout accepter, comme les Africaines qui voudraient avoir toutes les femmes de la famille autour d’elles au moment de l’accouchement, mais cela dit, beaucoup de choses sont facilement réalisables, pour peu que l’on prenne le temps de les écouter ! Dans les cas problématiques, la loi française est au-dessus des rites et des religions. Ainsi, on n’attend pas huit jours pour nommer l’enfant, comme le veulent pourtant les religions juives et musulmanes, et encore moins dix ans comme le veut une coutume chinoise ! Vous imaginez le chaos à l’Etat civil si chacun déclarait son enfant à la date préconisée par sa religion ? Nous sommes dans un Etat laïc, et un Etat laïc n’est ni sans religion ni gouverné par les religions…
Le personnel est-il formé à présent ?
La prise en compte des rites culturels et religieux s’est améliorée. Les soignants ont maintenant souvent une première approche en formation initiale. Dans les grandes villes comme Paris, Lyon, Marseille, Lille, je dirais qu’on est obligé de s’intéresser à ces questions ! Mais comme partout, que ce soit dans le public ou le privé, cela dépend aussi de la volonté des personnes et du temps qu’elles ont. Avec la rationalisation et le manque de personnel, des formations sont malheureusement parfois annulées à cause de la non disponibilité des gens.