Intergénération : Une école où les petits et les anciens s’apprennent

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L’arrivée à Chantilly est toujours un enchantement. Surtout par temps de brume. A deux pas du château, où le temps a joliment suspendu son vol, la résidence Arc en Ciel nous accueille dans un climat feutré. Ici vivent à l’abri des turbulences des personnes âgées en perte d’autonomie et à faibles revenus. Des fins de vies comme tant d’autres pourtant illuminées par la présence d’enfants scolarisés sur place qui leur font oublier, ne serait-ce que quelques instants volés à l’immobilisme, que l’avenir est derrière eux.

Une expérience unique en France…

…et même en Europe. Elle fut d’ailleurs saluée lors de son inauguration, en février 2005, par Catherine Vautrin, alors Secrétaire d’Etat aux Personnes Agées, comme une initiative qui « donnait au terme solidarité toute sa signification ». Une école intégrée à une maison de retraite, on n’avait jamais vu ça. Tout au plus des ateliers de temps à autre qui faisaient se rencontrer les plus jeunes et les plus âgés, sporadiquement.

 Et puis il suffit parfois d’un rêve pour que beaucoup plus soit possible. Zaia Lebleu, fonctionnaire de l’état (mais très loin de l’Education nationale), est passionnée de pédagogie depuis toujours. Le rapprochement des générations, elle y croit dur comme fer. Elle habite Chantilly, pousse la porte de la mairie et voit son projet doublement bien accueilli, et par le maire, et par martine Vwanza, directrice de la résidence Arc en Ciel qui, elle aussi, nourrit depuis quelques années le désir de créer des liens entre jeunes enfants et anciens.

Couleurs d’Enfance : quand tout a commencé

En août 2004, Zaia crée son association loi de 1901 qu’elle baptise Couleurs d’Enfance et le projet prend forme très vite, dès novembre, sous la forme d’ateliers intergénérationnels. Aujourd’hui, l’école – gérée par l’Armée du Salut – compte deux classes : l’une de maternelle avec 11 enfants, l’autre de primaire, avec 8 enfants du CP au CM2, en classe unique.

 Deux classes bilingues anglais qui accueillent, mais pas seulement, des enfants précoces, et qui s’inspirent de la méthode Montessori. En clair, on suit le programme officiel de chaque niveau pour les maths et le français et, pour le reste, le cadre pédagogique s’adapte à la personnalité, au rythme de chacun. Cette même loi du respect, ce même climat de confiance président ici aux relations entre enfants et personnes âgées.

L’école de la vie

« Parfois, les enfants ont au premier abord un peu peur des résidents parce que l’ignorance, on le sait, crée la peur. On leur explique alors ce qui se cache de trésors, de vie, derrière ce physique usé. Maintenant, ils savent. Ça leur apprend le civisme, le respect. Quand ils croisent un déambulateur, ils s’inclinent.

 Et ce respect de l’autre, d’un autre si différent, unique comme eux, a aussi des répercussions positives à la maison. Même entre eux, en classe, le fait de n’être pas tous du même niveau puisque nous n’avons qu’une classe de maternelle et une de primaire, leur fait prendre conscience du chemin qu’ils ont parcouru pour évoluer et/ou du chemin qui leur reste à parcourir. Entre trois et cinq ans, par exemple, il y a tout un monde ! commente Zahia. » Deux fois par semaine, des ateliers sont organisés avec les résidents qui le souhaitent.

Des résultats surprenants !

C’est le plaisir de se retrouver qui préside à ces rencontres. Rien n’est imposé. Comme il a fallu un long temps d’observation pour que jeunes enfants et personnes âgées, deux populations « fragiles », s’apprivoisent, on prend aussi la précaution de faire de ces ateliers des occasions de se retrouver avec l’envie de le faire.

 Gymnastique commune avec les maternelles, mots croisés et journal avec les primaires… Dans les yeux des résidents brillent parfois des étincelles oubliées. « On assiste tous les jours à des petits miracles » sourit Zahia.

Tel homme qui n’avait parlé à personne depuis de longs mois se met à s’ouvrir, à sourire par affection pour une petite fille, telle femme atteinte de la maladie d’Alzheimer fait des échanges de balles avec une autre. De petits riens qui paraissent anodins, ne sont souvent que passagers mais sont des grandes victoires sur l’enfermement de la vieillesse et de la maladie.

Une maison ouverte sur l’avenir

On pourrait néanmoins craindre que ces enfants, une fois sortis de ce qui semble tout de même un cocon bien protégé de l’extérieur, presque de la vraie vie, ne se retrouvent perdus en arrivant au collège, dans une structure tout à fait classique.

 Zahia nous assure qu’il n’en sera rien : « Ici, ils vont à l’essentiel, on leur apprend à s’adapter, on leur donne confiance en eux, ils en sortiront sans doute plus armés que la moyenne parce qu’ils auront justement acquis le goût de l’apprentissage, le respect de l’autre. Et puis ils sont très préparés au fait qu’à l’extérieur, c’est différent ».

Alors on se prend à rêver que l’expérience s’étende à d’autres villes, d’autres lieux, d’autres enfants. C’est aussi l’envie de Zahia qui déplore que la vieillesse, pourtant très riche d’enseignements pour les jeunes enfants, soit si cachée. Et c’est vrai, cette belle expérience, aussi pleine d’espérance soit-elle, ne peut que nous rappeler que l’exception devrait être la règle et que le rêve, le vrai, serait que ces liens transgénérationnels soient aussi une réalité au-delà des murs de cette résidence.

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