L'obésité infantile: l'enfance de la malbouffe

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Président de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA), le docteur François-Marie Caron nous éclaire sur les origines et les traitements possibles de l’obésité infantile et le bon usage de l’alimentation chez les enfants.

Obésité infantile: les pédiatres sur le front

Côté Mômes : Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la « Pédiatrie Ambulatoire » et ce que défend votre association ?
François-Marie Caron : Le terme « pédiatrie ambulatoire » est un terme générique européen. Pour la France, cela veut simplement dire pédiatrie de ville. En Italie, jusqu’à 16 ans, on ne voit que le pédiatre. Il y a d’autres pays, comme l’Angleterre, où il n’y a pas de pédiatre. Nous sommes dans un pays un peu mixte où l’on a un peu de pédiatres : 1 pédiatre pour 5 000 enfants alors que la moyenne européenne s’élève à 1 pour 2 000. L’association est née en 1990 parce que ce que l’on apprend à l’hôpital même en pédiatrie ne correspond pas vraiment à ce que l’on rencontre en ville.
En outre, la santé de l’enfant a beaucoup changé. En plus des maladies chroniques et des pathologies courantes que l’on soigne aujourd’hui très bien, nous avons à prendre en charge toutes les pathologies psychoaffectives : troubles du comportement, obésité infantile, problèmes d’apprentissage, de dépression ou encore de suicides chez les adolescents. Nous organisons pour les pédiatres des formations régulières, des séminaires. Nous mettons à leur disposition des revues spécialisées, un site internet pour se former. La médecine infantile est très différente de la médecine de l’adulte puisqu’elle s’intéresse à un organisme en développement et en transformation permanente.

L’alimentation des enfants s’est dégradée

CM : En 10 ans, le nombre d’enfants obèses a doublé et croît désormais de 5,7% par an. 1,5 million d’enfants sont touchés. Quels sont les coupables ? L’alimentation, les fabricants de produits alimentaires à destination des enfants, le prix des fruits et légumes,  la télé, les jeux vidéo, l’hérédité, les parents ? 
FMC : C’est tout cela à la fois, mais c’est l’alimentaire d’abord, même si l’industrie agro-alimentaire voudrait bien que l’on dise que ce ne sont que les jeux vidéo et la sédentarité ! Le premier risque d’obésité infantile, c’est d’avoir la télé dans sa chambre sans pouvoir « filtrer » les images.
C’est très difficile de pas avoir envie de se lever pour aller chercher de quoi grignoter quand on est devant la télé et que l’on voit un magnifique gamin qui mange des sucreries et qui, lui, n’a pas un pet de graisse ! Ce qu’il faut bien comprendre au sujet de l’obésité infantile, c’est que depuis que l’on a alerté la population, on a eu une stabilisation des chiffres pour les enfants depuis 2000… Mais ce qui est très grave et qu’il faut souligner, c’est que cette stabilisation ne concerne que les gens qui ont un esprit critique et sont capables d’entendre les messages, de les comprendre et de les appliquer.
Chez les populations socio défavorisées, le chiffre de l’obésité galope à toute vitesse et ce n’est pas prêt de s’arrêter. Et ce phénomène est prouvé par des enquêtes de 2006, donc très récentes et fiables. Et c’est tout à fait compréhensible puisque les messages nutritionnels que l’on reçoit sont principalement véhiculés par la publicité, directe ou indirecte. On a par exemple réussi à diaboliser le pain et à promouvoir les céréales alors que les céréales sont extrêmement grasses et sucrées et que le pain n’est pas cher et pourtant très bon pour la santé. Une chose qui m’agace aussi : on a institutionnalisé la collation à l’école…
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Obésité infantile: lutter contre les mauvaises habitudes

CM : La collation du matin à l’école, parlons-en, que faut-il en penser ?
FMC : Du mal. On est capable de dormir de 8 heures du soir à 8 heures du matin sans se lever pour aller manger mais on part du principe que les enfants ne peuvent pas rester de 8 heures du matin à midi sans manger au milieu. C’est un grignotage institutionnalisé que l’on a beaucoup de mal à faire supprimer, principalement parce que les parents mettent des freins.
Dans certaines écoles où la collation avait été supprimée, les gamins avaient des friandises plein les poches et là, il faut imaginer le marché qu’il y a derrière ! Quand ils grignotent le matin, les enfants n’ont pas faim à l’heure de la cantine… Donc, à trois heures ils ont faim et ils grignotent à nouveau. Cela fait six ans que notre association se bat contre la collation et, quand on a commencé à alerter, l’Education nationale s’est mise en colère parce qu’elle pensait qu’on la rendait responsable de l’obésité infantile. La question n’est pas là.
Si on déstructure les rythmes alimentaires, les enfants mangent 5 ou 6 fois dans la journée au lieu de 4 fois. Autre chose : prenez des parents qui ont la chance de pouvoir prendre du temps avec leur enfant. Ils les emmènent au cinéma. C’est génial, c’est la fête et c’est un moment de partage important. Eh bien, ils leur achètent des produits mauvais pour sa santé… pour que la fête soit complète. C’est dramatique. C’est très difficile de dire non au paquet de bonbon ou aux pop-corn, les industriels sont très stimulants et, comme les parents ne savent plus dire non c’est l’escalade.CM : A ce que je crois savoir, l’obésité est une question de masse graisseuse et pas seulement de surpoids. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
FMC : Mon enfant est-il trop gros, dodu, obèse, est-il bien ? Cela ne se voit pas si l’on ne fait pas la courbe de croissance. Ce n’est pas un chiffre qui répond, c’est l’évolution. Il y a des costauds et des pas costauds, des constitutions différentes. Ce qu’il faut savoir, c’est comment chacun évolue.
De 0 à 6 ans, il se passe beaucoup de choses. Un bébé de un an joufflu et poupon, c’est normal, sauf cas exceptionnel. A partir de 1 an, 1 an et demie, il s’affine jusqu’à l’âge de 6 ans. Ce qui est important, c’est ça. C’est qu’il continue à s’affiner. Si l’indice de masse corporelle pendant toute cette période ne diminue plus mais commence à rebondir avant l’âge de 6 ans, pour nous c’est un très gros signe d’alerte. Il faut y faire attention, trouver des causes éventuelles dans les habitudes alimentaires ou les habitudes tout court.
En cherchant, on trouve souvent des grignotages qu’il n’avait pas avant ou une console vidéo qui remplace ses jeux d’avant au parc. Dans tous les cas, la seule prévention efficace consiste à tracer la courbe, c’est-à-dire avoir un chiffre tous les six mois de poids et de taille.
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Lutter contre l’obésité infantile

CM : Quel est le quotidien d’un enfant obèse ?
FMC : Difficile le plus souvent. La première complication de l’obésité chez l’enfant, c’est la perte d’estime de soi. Il en prend plein les dents par ses copains ou ses profs de sport. Non seulement il n’arrive plus à faire du sport parce qu’il a 20 kilos de surcharge à porter par rapport aux autres et en plus on se moque de lui. Lui se replie et là, c’est le cercle vicieux.
Le seul « avantage » de l’enfant obèse par rapport à l’adulte, et c’est ce qui surprend toujours les parents quand on commence à le prendre en charge, c’est qu’il est hors de question de le mettre au régime. On ne fait pas maigrir un enfant. Il va grandir. Donc, s’il prend moins de poids, s’il grossit moins vite tout en grandissant, il va s’affiner. On essaie alors de trouver trois objectifs, soit deux objectifs de nutrition et un objectif d’activité physique quotidienne.
En général, on supprime le grignotage et puis on remplace les céréales par le pain. Il n’y a pas d’interdit mais on change un peu les habitudes. Fini le Nutella à la cuillère tous les matins… En revanche, on a le droit d’en manger seulement le mercredi. On va à l’école à pied et plus en voiture avec maman et on va se défouler tous les jours au parc pendant une heure au lieu de regarder la télé.
Informations complémentaires sur www.afpa.orgVOIR LA VIDEO DU DOCTEUR COHEN SUR L’ALIMENTATION DES ENFANTS

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