Mon enfant n’aime pas l’école: quand s’inquiéter?
Quelles sont les signes qui doivent alerter les parents quand un enfant refuse d’aller à l’école. En d’autres termes, quels sont les symptômes qui doivent faire penser à une phobie scolaire ?
« C’est l’enfant qui vomit, qui a mal au ventre, qui est pris de vertiges et qui a des symptômes le matin avant d’aller à l’école alors qu’il ne les a pas le dimanche ou pendant les vacances. Il n’y a aucun problème de reconnaissance, les symptômes sont très clairs. »
La phobie scolaire semble concerner surtout les préadolescents et adolescents…
« Non, il y a des enfants en maternelle qui ont des phobies scolaires. A cet âge-là, pleurer deux ou trois jours au début de l’année, c’est normal et puis ça passe. En revanche, si cela dure des semaines, des mois, c’est une phobie scolaire. Le trouble en soubassement est chez ces jeunes enfants une anxiété de séparation. Ils n’arrivent pas à se séparer de leurs parents, à quitter le cocon familial. Et jusqu’à 10 ans, c’est souvent cette anxiété de séparation qui tourne en phobie. A la préadolescence et adolescence, ce qui sous-tend le trouble, c’est plutôt la phobie sociale, l’anxiété de performance, l’agoraphobie. Parfois, à ces âges-là, il y a sept ou huit diagnostics associés. Mais en résumé, il n’y a pas d’âge pour faire de la phobie scolaire. A partir du moment où il y a école, il peut y avoir phobie scolaire. »
Ces enfants qui aiment apprendre mais n’aiment pas l’école
Certains enfants aiment l’école mais sont phobiques sans que leurs parents ou eux-mêmes ne trouvent la moindre explication quand à l’origine de leur mal. Y a-t-il toujours un élément déclenchant à une phobie scolaire ?
» La phobie scolaire classique, c’est l’enfant qui aime l’école, qui aime apprendre mais qui n’arrive pas, malgré lui, à aller à l’école. Il n’arrive pas à traverser la rue pour s’y rendre, il ne peut pas être confronté à l’environnement scolaire. Dans ces formes classiques de phobie scolaire, ce sont des enfants qui acceptent très bien de travailler mais avec des cours par correspondance. Parfois, les parents sont d’ailleurs plutôt contents de garder leur bambin à la maison. »
Faut-il justement déscolariser l’enfant ou au contraire essayer de la laisser dans un milieu scolaire adapté ?
» Il faut éviter le plus possible la déscolarisation, hormis peut-être dans le cas d’un enfant de maternelle qui pleure toute la journée pendant des mois. Pour les plus grands, au départ, en général, l’absentéisme n’est pas total d’emblée. Un matin, l’enfant vomit, a mal à la tête, à des vertiges, il reste donc à la maison… Mais il arrive à y aller le lendemain. Ou alors il manque la moitié des cours, certains cours et pas d’autres. Là, les parents ne doivent pas se laisser embarquer. C’est quand cet absentéisme partiel commence qu’il faut tout de suite prendre le problème en mains, que l’enfant voie un psy pour essayer de comprendre pourquoi l’enfant est dans cet état… Une fois que l’on a compris, on peut mettre en place l’aide nécessaire. Parce que plus long sera l’absentéisme, plus ce sera difficile de retourner à l’école. Un jeune qui manque l’école pendant trois mois aura vraiment peur d’avoir tout loupé et se dira, ce qui n’arrange pas les choses, qu’il est devenu nul. Mais hélas, quand ça dure depuis des années, il y a parfois des moments où les parents craquent et préfèrent que l’enfant finisse son année au CNED. Mais il serait préférable de trouver une façon, même à temps partiel, de continuer une scolarité normale »
Phobie scolaire: quand la pression de la réussite est trop forte
Quel secours l’enfant peut-il trouver en milieu scolaire ? Les enseignants sont-ils conscients de ce phénomène qui semble être en augmentation ?
« Je pense que peu d’enseignants connaissent la phobie scolaire et certaines familles ont un vécu très douloureux pour tenter de convaincre les professeurs de leur enfant qu’il ne s’agit pas d’un refus conscient de sa part mais d’une vraie pathologie qui l’empêche de suivre une scolarité normale. Et puis les enseignants sont quand même confrontés à un problème d’absentéisme scolaire énorme, de jeunes défavorisés qui, sans être vraiment anxieux, ne trouvent pas du tout leur place à l’école. Pour ces enfants-là, qu’on pourrait croire insolents, on n’est pas si loin de la phobie scolaire. Il ne s’agit pas d’école buissonnière du tout… En tout cas, ce sont des enfants qui ont une souffrance aussi. »
Pensez-vous que la pression de la réussite soit en partie responsable de l’augmentation de cette forme de phobie ?
« Les mécanismes psychologiques sont très variés mais il est vrai que la pression de la compétitivité et de l’excellence, pour certains ados, est un réel problème. Un enfant déjà un peu anxieux qui se retrouve confronté à un établissement scolaire où on met la barre très haut et où on vous dévalorise, n’a qu’une envie : fuir. Il y a des enfants et des ados que ce système casse complètement. »
A lire pour en savoir plus : Phobie scolaire, Docteur Marie-France Le Heuzey et Professeur Marie-Christine Mouren, aux éditions J.Lyon