Soutien scolaire : la bourse ou la vie ?

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Les parents sont plus que jamais inquiets pour l’avenir de leurs enfants. L’échec scolaire est ce qui pourrait leur arriver de pire ! Alors, ils sont prêts à beaucoup dépenser pour les sortir de difficultés que l’école semble incapable de résoudre. Des sociétés privées l’ont bien compris, qui profitent de cette peur pour réaliser des chiffres d’affaires colossaux sans obligation de résultat. Dans le même temps, l’Education nationale cherche toujours ses petits pour sortir de l’impasse. Décryptage.

La grosse bête qui monte, qui monte !

Le marché privé du soutien scolaire génère un chiffre d’affaires de 700 millions d’euros par an pour 5 entreprises qui se partagent l’essentiel du gâteau : Acadomia, le leader, Complétude, Keepschool, Profadom et les Cours Legendre. Un marché prospère qui a doublé en 5 ans.

On estime aujourd’hui que près de 250 000 élèves suivent des cours privés à domicile pour un coût moyen de 1 400 € par an pour les parents. Mais ils dépensent cet argent avec un plaisir fébrile, portés par le grand espoir de voir leur enfant s’en sortir, convaincus qu’ils seraient de mauvais parents s’ils ne le faisaient pas, cernés qu’ils sont par un matraquage publicitaire qui joue sur leur peur… D’autant plus que, argument choc, l’exonération fiscale à la clé leur promet la réussite de leur bambin pour deux fois moins cher que le « coût réel » : quand ils paieront 35 euros, après déduction, ils n’auront payé que 17,50 euros. C’est cadeau !

Si les résultats suivaient, il n’y aurait sans doute pas à chercher la petite bête. Tant mieux pour les parents qui peuvent se diraient ceux qui ne peuvent pas. Il y a longtemps que la réussite pour tous n’est plus qu’un discours. Mais qu’en est-il de l’efficacité réelle de ces cours ?

Soutien scolaire: les cours privés, efficaces jusqu’où?

En janvier dernier, un reportage d’Envoyé Spécial, sur France 2, résultat de longs mois d’enquête, faisait grand bruit. Des journalistes se faisaient engager comme professeurs sans aucun diplôme dans l’un des plus grands organismes de cours privés à domicile, un professeur d’anglais plus que médiocre se faisait épingler par une caméra cachée qui ne loupait rien de ses « zeu » franchouillards, une jeune étudiante qui confondait COI et COD s’y faisait recruter pour donner, entre autres, des cours de français jusqu’en 5ème !

On y découvrait aussi que les « conseillers pédagogiques » chargés de sélectionner les futurs professeurs à domicile étaient en fait des commerciaux – l’un d’entre eux venait de la grande distribution – et que, la plupart du temps, l’exigence minimum de BAC + 3 et d’un casier judiciaire vierge, n’était pas respectée, en tout cas pas vérifiée sur pièces. Grave quand on travaille à domicile, auprès d’enfants. Parfois même, les candidats étaient recrutés par téléphone.
 
Il faut savoir que ce secteur n’est pas réglementé : il suffit d’avoir des locaux aux normes et un casier judiciaire vierge pour ouvrir un organisme de soutien scolaire privé.
Qu’en est-il des résultats des enfants qui « bénéficient » de ces cours à domicile ? Difficile à estimer. « En quelques années, j’ai dépensé pour mon fils de quoi m’acheter une Porsche pour un résultat nul » ironise Marie, maman d’ado, qui a fait le tour des organismes es plus réputés en la matière. Puis elle nuance : « Au moins, il a un peu pris confiance en lui. Je crois qu’il se sentait seul face à ses difficultés et ça l’a sûrement un peu aidé de ce côté-là. On va dire que ça a peut-être remplacé deux ou trois séances chez le psy ! » Un peu cher payé l’estime de soi !

Tous des cancres ?

La vrai question pourrait être : pourquoi tant d’élèves aujourd’hui ont-ils besoin de soutien scolaire ? Mais elle pourrait aussi être : Pourquoi l’école, dont c’est la vocation d’instruire le plus grand nombre, ne peut-elle plus assumer sa mission ? Ou encore : Qui sont réellement les élèves en difficulté ? Ceux qui, vraiment, pataugent dans toutes les matières ? La plupart des écoliers et collégiens ? Les faiblesses passagères ne font-elle pas partie de l’apprentissage ? Noircit-on le tableau alors que plus de 80 % des élèves ont finalement leur bac au bout du parcours ?

Toute cette nullité ambiante ne serait-elle pas montée de toutes pièces pour faire marcher le petit commerce ? Non, répondent d’une part le rapport du haut Conseil de l’Education d’août 2007 qui précise que « 15 % des élèves arrivent en 6ème sans avoir les bases suffisantes » et d’autre part les résultats médiocres des élèves français aux évaluations PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves – OCDE). Au-delà du constat, que faire pour ramener les plus faibles à un niveau décent ?

Soutien scolaire: que fait l’Education nationale ?

Xavier Darcos, ancien ministre de l’Education nationale, voulait que soient divisé par 3, à l’échéance de 2012, les fameux 15 % d’élèves en difficulté. Il a donc été décidé la suppression de 2 heures d’enseignement pour tous les élèves et de la mise en place, parallèlement, de 2 heures d’aide personnalisée pour les élèves en difficulté. Des stages de remise à niveau durant les congés de printemps et d’été ont également été instaurés pour les élèves de CM1 et de CM2 en difficulté. Concrètement, ces mesures, pas forcément bien accueillies par les enseignants, ont du mal à se mettre en place.

En août dernier, un rapport de la SNUipp, principal syndicats d’enseignants du 1er degré, établi après enquête auprès de 1 200 professeurs, précisait : « Cette année scolaire a été vécue comme particulièrement difficile pour les équipes, dans l’ensemble peu convaincues de l’utilité, de l’intérêt de ces réformes, d’autant qu’elles sont accompagnées d’attaques contre les postes de RASED (Réseau d’Aide aux Elèves en Difficulté) » En clair, demander à des enseignants pas formés pour cela d’aider des élèves en difficulté alors que l’on supprime parallèlement des postes d’enseignants spécialisés pour cela passe mal… « L’aide « personnalisée » risquant fort de se substituer, à terme, à l’aide spécialisée » précise Roland Goigoux, professeur à l’IUFM de Clermont-Ferrand. Beaucoup d’enseignants se sont sentis investis d’une mission – et donc d’une responsabilité – qu’ils ne se sentaient pas capables d’assumer, beaucoup ont aussi insisté sur la difficulté à cerner les élèves à prendre en charge et à définir le contenu de l’aide à apporter.

Quelles alternatives ?

« Le soutien scolaire marchand organisé par des officines privées s’est considérablement développé parce que le système éducatif ne remplit pas toutes ses missions. Cette externalisation n’est pas acceptable. S’appuyant sur la culpabilisation des familles, elle ouvre la porte à une école à plusieurs vitesses » commente le SNES, syndicat d’enseignants du second degré, qui estime pourtant que l’accompagnement mis en place par l’Etat ne répond pas aux enjeux d’aujourd’hui. « Destiné aux seuls élèves volontaires, il amalgame sous l’étiquette « aide aux devoirs et aux leçons » des activités très différentes et risque de contribuer ainsi à creuser les inégalités entre les élèves ».

Que faire, dès lors ? « Le SNES demande la mise en place de dispositifs de soutien au sein de l’Education nationale. Ils pourraient être financés en partie par la suppression des déductions fiscales accordées aux familles qui ont recours aux services marchands de soutien scolaire » précise un rapport du 19 février dernier.

En attendant, les élèves et leurs parents peuvent aller faire un tour sur AtoutCned, site de soutien scolaire mis en place par le Cned, complémentaire du site gratuit acamémie-en-ligne, et qui propose des cours et exercices avec tutorat pour moins de 10 euros par matière et par mois. Un début de solution mais qui ne remplace pas, bien évidemment, la présence d’un prof aux côtés de l’élève.

Soutien scolaire: à qui profite le crime ?

En attendant d’y voir plus clair, tout le monde – ou presque – est perdant : les parents qui continuent à payer (c’est le cours privé exonéré avec un soit disant prof – du moins c’est ce que garantit la publicité – ou le cours particulier avec un vrai à 35 € minimum!), les élèves qui ne progressent pas et les étudiants apprentis profs pour les organismes privés qui gagnent royalement 10 € de l’heure, soit le tarif d’une femme de ménage. Notons que, pendant qu’ils essaient comme ils peuvent de sauver nos enfants de la noyade, ils ne pensent pas à jeter des pavés parce qu’ils ne trouvent pas de boulot ! C’est toujours ça de gagné contre la crise sociale !

L’Education nationale, quant à elle, ne peut officiellement rien faire contre la marchandisation du soutien scolaire externalisé… Mais a bien du mal à mettre ses propres lois en place. Et puis business is business. Pour la petite histoire, à l’heure où Internet se vend en packs publicitaires aléatoires qui se dispatchent au hasard sur des PAP (Pages Avec Publicité), on peut retrouver, sur le site de l’émission Envoyé Spécial de France 2, juste sous la présentation du reportage qui épingle les organismes privés de soutien scolaire… Une superbe bannière Acadomia ! Cherchez l’erreur !

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