L’organisation de la communication d’un candidat en dit long sur le style de gouvernance qui serait le sien, une fois élu. Nous ne révèlerons pas qui, de l’un ou de l’une, de l’un ou de l’autre, dispose d’une cellule riposte survitaminée et hyper-réactive, qui est entouré d’une armée mexicaine pour répondre à une allure… sénatoriale, qui supervise tout ou qui est aux abonnés absents.
Nous avons choisi d’interroger les principaux candidats sur quelques questions précises, quelques aspects obscurs de leurs programmes, plutôt que de leur proposer de dérouler leur programme comme un catalogue de bonnes intentions. Jean-Luc Mélenchon étant hors délais pour nous répondre, nous ne saurons pas comment il imagine l’accueil en maternelle à deux ans ou comment il entend lutter contre les inégalités sociales à l’école.
Aujourd’hui, la parole est à Nicolas Sarkozy…
Considérez-vous que la réforme des IUFM et la masterisation répondent au besoin de formation des apprentis professeurs des écoles ?
Dans la société de la connaissance qui est la nôtre, il était important de confier la formation des maîtres aux universités, qui sont le centre des savoirs, et d’élever le niveau de qualification de tous les professeurs jusqu’au master.
La priorité maintenant, c’est de renforcer la dimension professionnelle de cette formation. D’abord en développant systématiquement l’alternance dans les masters, comme nous avons commencé à le faire. Ensuite en proposant des formations polyvalentes, fondées sur les derniers résultats de la recherche pédagogique. Nous devons faire des professeurs des écoles de véritables experts des apprentissages fondamentaux.
En proposant une orientation des élèves dès la 5ème, vous considérez à la fois qu’un enfant de 13 est capable de prendre une décision sur son avenir professionnel (même minime), et que le socle de connaissance commun est acquis. Ne pensez-vous pas que ce soit un peu tôt?
Quelle est la réalité du collège aujourd’hui ? Il est devenu une machine à produire de l’échec et à exclure beaucoup d’élèves, qui ne suivent plus et que rien ne permet aujourd’hui de « raccrocher ».
Cela n’est plus acceptable !
Je souhaite d’abord que les enfants soient mieux encadrés. C’est pourquoi je propose d’augmenter le temps de présence des professeurs dans les collèges pour le porter à 26 heures par semaine : les enseignants seront plus disponibles, au-delà des heures de cours, pour aider et conseiller les élèves.
Je propose aussi de revoir la 6e-5e, afin d’assurer une transition plus douce avec l’école primaire. Les enseignements seront recentrés sur le français et les mathématiques et les professeurs seront moins nombreux, ce qui facilitera la cohérence des apprentissages.
A partir de la 4e, je souhaite – dans le respect du socle commun – diversifier les parcours, afin que les élèves dont le profil est moins «académique» puissent continuer à trouver un intérêt à aller en cours et se préparer positivement à la voie professionnelle, aujourd’hui souvent vécue comme une voie de « relégation ». Cette pré-orientation sera évidemment réversible.
Vous ne vous êtes pas encore précisément exprimé sur les rythmes et les programmes scolaires. Qu’en est-il ?
Nous avons été les premiers, à l’initiative de Luc Chatel, à nous saisir de ce sujet en installant une conférence nationale sur les rythmes scolaires, qui a établi un diagnostic et fait des propositions intéressantes. Il est clair que la situation actuelle doit évoluer : les élèves français ont, en Europe, le plus grand nombre d’heures de cours réparties sur le plus petit nombre de jours de classe : 144 jours, contre 188 en moyenne dans l’OCDE. Ce sont les enfants fragiles qui en paient le prix.
Mais la question est complexe, car une évolution des rythmes aura un impact sur toute la société : aucune décision ne peut être prise sans une vaste concertation.
Concernant la suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme, en quoi estimez-vous qu’une telle mesure aiderait les familles ?
Les premières victimes de l’absentéisme, ce sont les enfants eux-mêmes. Il est absolument indispensable de rappeler à toutes les familles que c’est leur devoir d’envoyer leurs enfants à l’école.
La loi du 28 septembre 2010 qui prévoit la suspension des allocations familiales après plusieurs avertissements joue pleinement ce rôle de rappel à l’ordre. Elle a permis de faire revenir en classe 98,5% des élèves après un simple avertissement. Il y a eu l’an dernier 171 suspensions des allocations familiales, et près de 30 000 élèves qui sont revenus à l’école. A mes yeux, c’est un immense succès.
En 2007, vous promettiez un « droit opposable à la garde d’enfant » Si l’on en croit le collectif « Pas de bébés à la consigne » il manque 500.000 places en crèches actuellement. Pour 2012, que prévoyez-vous?Il faut poursuivre ce grand chantier. Nous avons déjà créé 200 000 solutions supplémentaires de garde. Cela est considérable, mais je sais que les familles attendent de nous des efforts supplémentaires. Ce sera pour moi une priorité.Votre politique en faveur des quartiers a eu des effets très limités. Malgré la volonté de supprimer la carte scolaire, l’entre-soi règne plus que jamais en France et l’ascenseur social est bloqué. Que comptez-vous faire pour débloquer cette situation ?
Il est faux de laisser penser que rien n’a évolué. J’avais fixé l’objectif de 30% de boursiers en classe préparatoire aux grandes écoles, il est atteint : cela est historique. Des outils comme les internats d’excellence, l’accompagnement éducatif après la classe pour les orphelins de 16 heures, ou encore les « cordées de la réussite » ont tous fait leurs preuves. C’est nous qui les avons mis en œuvre. J’ajoute à cela que les 42 Mds d’euros d’investissement dans la rénovation des quartiers. 80% des personnes concernées par les rénovations ont indiqué avoir repris confiance dans la capacité de l’Etat à s’occuper de leurs problèmes. Elles avaient totalement perdu confiance dans la politique des équipes gouvernementales précédentes. Nous fréquentons moins que les autres les colloques, mais nous agissons.
Mais vous avez raison, les inégalités sociales restent trop élevées. 27% des jeunes des quartiers sont sans diplôme, contre 11% des autres jeunes. Pourtant, les jeunes des « cités » n’ont pas moins de talent, et ont souvent davantage de mérite. Cette situation est profondément injuste.
Je ne vois qu’une solution : tout miser sur l’éducation et sur la formation. Je crois beaucoup au développement de l’autonomie des établissements qui permettra que se constituent dans les quartiers des équipes éducatives stables et motivées. Les enseignants, qui seront mieux rémunérés et recrutés sur profil, auront davantage de liberté pour s’adapter aux spécificités des élèves. Tous les pays qui ont voulu résoudre le problème de l’égalité des chances par l’école ont mis en œuvre ce type de mesures.