Éducation : suivez le guide !

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Être parents, c’est évoluer sur un long chemin sinueux, semé d’embûches, dont l’arrivée est symbolisée par notre enfant devenu adulte. Si nous avons su le conduire et le guider sur ce chemin éducatif, il deviendra un être épanoui et sûr de lui. Bien dans ses baskets.

Comme il est difficile pour nous, parents, de dire non à notre enfant, de le frustrer, d’être le coupable de ses cris et de ses larmes ! Nous voudrions tellement le voir toujours souriant et heureux. Mais pour l’aider à se construire, nous devons lui dire non. Notre non d’aujourd’hui fera de lui un adulte épanoui et autonome demain. Éduquer un enfant implique d’imposer des règles et d’appliquer une sanction si les règles sont transgressées. Nous ne pouvons pas échapper à ce rôle de gendarme.

Dans leur livre, « Un NON d’amour pour bien grandir », Corinne Droehnlé-Breit, psychologue, et Catherine Allievi, psychothérapeute, nous expliquent comment dire non avec amour à notre enfant. C. Droehnlé-Breit a accepté de répondre à nos questions, avec l’humour et la bienveillance qui la caractérisent.

> Est-ce la mode de l’éducation positive qui vous a motivées à écrire ce livre ? D’ailleurs, pensez-vous qu’il s’agisse d’une mode ou d’un courant plus ancré ? 

L’éducation positive correspond vraiment à nos pratiques. J’accueille chaque semaine environ 70 enfants et adolescents, et une vingtaine d’adultes, dans mon cabinet Psy n Co à côté de Strasbourg. Depuis 25 ans que je pratique en libéral, je constate d’année en année que les demandes de mes patients tournent autour de questions éducatives (environ 9 consultations sur 10). En réalité, le mal-être des enfants et des adolescents provient d’une absence d’éducation ou d’une éducation trop souple. Cela entraîne chez eux des problématiques de sommeil, d’alimentation, de cadrage ou de frustration.

> Parlez-nous des trois ingrédients incontournables pour faire grandir un enfant, le triple A.

Ces trois ingrédients-là, comme le tiercé gagnant, synthétisent le livre. Aimer, pour avoir une forme d’autorité, et ensuite autoriser. Ce sont les ingrédients de base, comme la farine est l’ingrédient de base d’un gâteau, à utiliser par les parents pour construire un enfant et le conduire dans la vie afin d’en faire un adulte épanoui. Aimer est l’ingrédient principal. Mais il ne suffit pas. Il doit être agrémenté d’autorité et d’autorisation si l’on veut que l’enfant se construise de manière structurée. Parce qu’on aime notre enfant tellement fort, d’une manière inconditionnelle, on le sécurise et on l’aide à se diriger vers le chemin de l’autonomie.

Éduquer ne peut se faire sans amour…

Éduquer, c’est savoir donner, au fur et à mesure que l’enfant grandit, de nouvelles autorisations, qui lui permettront d’acquérir l’autonomie suffisante pour devenir un sujet à part entière… Aucune éducation ne pourrait se faire sans autorité et si, de nos jours, l’éducation est souvent en faillite, c’est que les parents manquent cruellement d’autorité.

> Dans la famille d’aujourd’hui, quelle place l’enfant occupe-t-il ?

Lors d’une récente conférence à Metz, je disais que l’enfant aujourd’hui est le Chanel ou le Dior qu’on s’offre. Lorsqu’il arrive, on le choisit, presque jusqu’à son sexe, et on a envie de l’exhiber comme un produit de luxe. Mais l’enfant n’est pas un produit que l’on exhibe. Il a besoin d’être construit par des parents euxmêmes solidement construits. Les choses ont tellement changé dans la société en 30 ans. Avant, notre conjoint était là pour toujours, notre travail était garanti à vie, et nous habitions toute notre vie dans la même maison.

Aujourd’hui, plus rien n’est sécurisant, alors tout est mis au niveau de l’enfant. Il devient ce que l’on ne perdra jamais dans nos vies, ce à quoi on se raccroche, et que l’on va peut-être aimer de trop. Ce n’est pas un bon amour, car l’enfant doit être aimé à sa juste valeur et on ne doit rien lui demander en retour. L’enfant n’a pas à nous aimer, sinon il prendrait la place d’un adulte et cette place n’est pas la sienne. L’amour pour un enfant est le seul qui ne va que dans un sens : on donne et on n’attend rien. Si on reçoit, c’est très bien mais on ne donne pas pour recevoir. L’enfant sera ensuite capable d’aimer, plus tard, dans un ailleurs, et s’il donne bien, c’est que nous lui avons bien donné.

> Comment se positionner en tant que parents ?

À mon sens, les parents doivent adopter une position plus ferme et leur comportement doit être adapté à l’âge de l’enfant. De 0 à 10 ans, les parents sont la locomotive et l’enfant est le wagon. Leur travail, c’est de le conduire et de le diriger sans lui laisser trop de choix. Le choix insécurise l’enfant. De plus, l’enfant va se poser des questions sur les capacités de ses parents à l’élever, en voyant qu’ils ne savent même pas s’ils doivent lui servir des pâtes ou du riz par exemple. Or, à cet âge, l’enfant a besoin de pouvoir s’appuyer sur des parents solides et fiables. Ils doivent donc limiter au maximum les choix qu’ils laissent à leur enfant, et lui donner 100 % de mots d’amour et de récompense : « c’est bien mon chéri » ou « je suis fière de toi ». L’enfant doit sentir que ses parents le regardent et approuvent ou désapprouvent ses comportements. Les parents doivent également donner 100 % de protection. Avant 10 ans, on ne laisse jamais un enfant seul. Nos yeux et nos oreilles doivent l’accompagner, même quand il n’y a pas de danger, pour que l’enfant se sente protégé. 100 % d’éducation également, car le petit de l’homme arrive incomplet, pas construit.

À l’âge de 10 ans, un enfant doit avoir reçu l’essentiel de son éducation et se comporter presque comme un adulte : être poli, savoir quelle est sa place, manger proprement, savoir se moucher le nez, faire ses lacets, lire, écrire, etc. Cet enfant-là sera un adulte qui ne souffrira pas de phobies, car il n’aura pas été trop tôt laissé dans la nature et aura reçu ces 300 % : protéger, aimer et éduquer. De 10 à 20 ans, l’enfant va devenir progressivement adolescent, puis adulte. Les parents vont petit à petit lui donner du pouvoir. À 11 ans : 10 % de pouvoir, à 12 ans : 20 %… à 15 ans : 50 %. Si à 18 ans, l’adolescent refuse de repasser son bac, c’est lui qui décide. C’est lui qui dirige sa vie et qui va devoir assumer ses choix. Il va d’ailleurs se rendre compte qu’assumer ses choix, ce n’est pas si facile. Si entre 0 et 10 ans, l’enfant a été bien encadré et a vu ses parents faire des choix pour lui, il sera capable de faire ses propres choix entre 10 et 20 ans. Et ses choix seront bons. Par contre, si les parents ont laissé faire, lui ont tout passé sous prétexte qu’il était petit, ils ne lui auront pas montré qu’ils sont capables de faire des choix pour lui. Les parents sont vraiment des guides, des modèles.

> Est-il vraiment possible d’en finir avec les cris et les fessées ?

Tout à fait. Il s’agit pour les parents de savoir s’ils veulent être un modèle de violence pour leur enfant. Bien sûr, donner une petite fessée à son enfant n’en fera pas un tueur. Mais lorsque les parents n’ont pas d’autres outils éducatifs, les fessées vont s’enchaîner et toutes les reprises éducatives finiront par une fessée. À ce rythme, l’enfant deviendra un adulte violent. La fessée ne peut absolument pas être un modèle éducatif. Elle n’enseigne rien à l’enfant, à part la violence. La fessée a pu être utile en période de guerre, afin d’apprendre aux enfants à devenir des soldats. Souhaitons-nous aujourd’hui faire de nos enfants des soldats ? C’est peu probable. Le parent qui a besoin de soulager sa colère doit taper sur autre chose que son enfant.

Il faut apprendre à régler les conflits par la parole. Une excellente méthode est d’utiliser l’impératif. Si vous souhaitez que votre enfant mette ses chaussons, pas la peine de faire de longues phrases pour lui expliquer qu’il aura froid aux pieds sur le carrelage s’il reste en chaussettes. Dites d’une voix normale : « Mets (pause respiratoire pour qu’il comprenne l’action) tes chaussons » en pointant les chaussons du doigt. Il faut qu’il voie que nous-mêmes, nous sommes convaincus de ce qu’on lui demande. C’est un ordre, pas besoin d’ajouter « s’il-te-plaît »signifiant qu’il s’agit d’une option.

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