James Huth et Jean Dujardin se retrouvent cinq ans après Brice de Nice et rééditent leur performance : transformer une licence sympathique en insupportable purge.
Les « blockbusters » français étant ce qu’ils sont, on en vient à manquer de terme pour qualifier les productions insipides et médiocres que nous présentent chaque mercredi des producteurs peu scrupuleux. Utilisé à tort, le terme « scandaleux » perd de son sens.
Mais une fois n’est pas coutume, Lucky Luke de James Huth lui permet de briller dans l’étendue de sa définition, à savoir : qui choque par son excès, révoltant. Choquant, car même l’habitude ne pouvait nous laisser entrevoir un tel naufrage. Révoltant, car la licence de Goscinny et Morris ne méritait pas cet « hommage ».
D’un ennui mortel, Lucky Luke respecte toutes les règles du mauvais film français. Une image grotesque (même les enfants font la différence entre le Far West et l’Argentine…), une réalisation sans rythme, des dialogues horribles et des acteurs…. Si une chose se détâche de la médiocrité crasse du film, c’est bien l’incroyable concours de nullité dans lequel ils semblent s’être lancés.
Daniel Prévost en Pat Poker (ou plutôt Pat Joker) est dans l’esprit du film, c’est à dire complètement à l’ouest, de même que Melvil Poupaud. Michaël Youn est égal à lui même. Jean Dujardin confirme, une fois de plus, qu’il n’est pas un (bon) acteur. Sylvie Testud n’est pas à la hauteur de la bassesse des autres et s’en sort presque bien : on regrette que Mathilde Seigner ait refusé le rôle au dernier moment, le carré d’ass eut été complet. Quand à la performance d’Alexandra Lamy, la politesse nous empêche seulement de l’évoquer.
Lucky Luke en live : une très faible adaptation avec Terrence Hill en 1991, Les Daltons hors sujets d’Eric et Ramzy en 2003… Nul doute que l’on doit pouvoir faire mieux de cette licence, mais après tout, à quoi bon ? Pour les producteurs, toujours soucieux de la qualité du produit, la recette est simple : un personnage déjà connu du public assure une base de fans et garantit des entrées. Une chemise jaune pour Dujardin et en cariolle Simone. La preuve que ça marche : les américains le font.
Peut-être faudrait-il rappeler que les comics, ancrés dans le quotidien, perpétuellement remis à jour, sont plus cinématographiques que notre sacro-sainte BD franco-belge ? Est-il humiliant de dire que Lucky Luke est plus proche de la bande à Picsou que de Batman et que les américains, pourtant toujours partant pour faire des sous, n’ont jamais proposé à Tom Hanks de jouer Donald ?
Tout cela importe peu face au verdict des billetteries. S’en suivra, en cas de succès, une longue litanie d’autosatisfaction, peut-être une nomination aux Césars du box-office, avant l’annonce d’une indispensable suite voulue plus mature, plus sombre. En attendant Boule et Bill et Gaston Lagaffe, espérons que Lucky Luke se tire plus vite que ce qu’il reste de lui sur grand écran, pas même l’ombre de son ombre.
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