L’école de demain, contre enquête

En septembre, 12 051 100 élèves ont fait leur rentrée dans 65 093 écoles, collèges et lycées. Tous sont en droit d’attendre de l’école une éducation et un avenir. Mais dans les faits, l’avenir ne leur rendra peut être pas justice.

Suppressions de postes, classes surchargées, inégalités sociales, échec scolaire… l’école républicaine, fleuron de notre culture, irait-elle droit dans le mur ? Les spécialistes de l’éducation tirent la sonnette d’alarme.

La lutte contre l’échec scolaire

Certes le constat est alarmant, et l’avenir de notre chère école incertain, les prochaines échéances électorales seront peut-être déterminantes. C’est ce qu’espère l’Institut Montaigne, auteur du rapport « Vaincre l’échec à l’école primaire » publié en 2010. 78% des enfants de catégories sociales dites « favorisées » accèdent au baccalauréat contre seulement 18% pour les enfants d’ouvriers ou d’inactifs. Le 13 avril 2011, 130 députés ont signés une proposition de loi pour déclarer l’école scolaire « grande cause nationale 2012 ». « Les conséquences de l’échec scolaire sont dramatiques pour tous ceux qui en souffrent personnellement, et au plan collectif en raison des ravages sociaux et du coût économique que ce désastre fait peser sur la société. »

Les objectifs de la rentrée 2011 pour le ministère de l’Education nationale :

• Améliorer la maîtrise des savoirs fondamentaux à l’école et au collège

• Poursuivre la réforme du lycée

• Proposer des parcours scolaires adaptés à chaque élève

• Garantir un cadre propice au travail et à la réussite de chacun

• Développer l’expérimentation et l’innovation

• Accompagner les enseignants

Une évaluation nationale en fin de 5e, qui complète celles de l’école primaire, va être expérimentée en 2012. Elle porte notamment sur la maîtrise de la langue française. À la fin de la scolarité obligatoire, les élèves doivent être capables de comprendre tous les types d’écrits et de rédiger des textes qui correspondent aux besoins des usages sociaux et scolaires. Le plan de prévention de l’illettrisme intervient dès l’école maternelle et se prolonge durant toute la scolarité élémentaire. Les élèves doivent maîtriser la langue française pour réussir leur scolarité : c’est la première des priorités.

Le cas des handicapés

214 600 élèves handicapés sont scolarisés en « milieu ordinaire » à la rentrée 2011, soit 13 212 élèves de plus qu’à la rentrée 2010 et 60,3 % de plus par rapport à 2005. En 2010-2011, 20 000 enfants âgés de 6 à 16 ans n’étaient pas scolarisés, dont 5 000 restants à domicile. 13,5 % des élèves étaient scolarisés à temps partiel à l’école primaire, contre 4 % au collège. Un récent sondage CROP montre que près de la moitié des enfants qui souffrent d’un handicap ou de difficultés d’apprentissage doivent attendre plus de six mois avant que leur école ou leur commission scolaire ne leur fournisse les services d’un professionnel. Les associations de soutien aux enfants handicapés et des syndicats d’enseignants réclament, depuis plusieurs années, la création d’un métier d’accompagnant d’élèves handicapés. Côté gouvernement, on assure le recrutement de 2 000 auxiliaires de vie scolaire, mieux formé et mieux payé. 200 millions d’euros d’ici 2013, soit une hausse de 40%.

Bilan de la carte scolaire

Créée en 1963, par le ministre de l’Education de l’époque Christian Fouchet, la carte scolaire avait pour objectif de garantir une certaine mixité sociale en répartissant les élèves selon leur habitation. Sur la feuille de route de Xavier Darcos (ministre de l’éducation de 2007 à 2009) figurait une première grande réforme : l’assouplissement de la carte scolaire. Mais le bilan reste négatif. Dans les établissements les plus convoités, il y a peu d’élèves de condition modeste ; dans les collèges les plus évités, ce sont les catégories favorisées qui ont disparu. Sur un total de 254 collèges « ambition réussite », collèges au recrutement le plus populaire, 186 avaient perdu des élèves. Les parents d’origine aisée et moyenne ont profité de l’assouplissement de la carte scolaire pour retirer leurs enfants de ces établissements.

Les suppressions de postes

14.000 postes doivent encore être supprimés, selon le budget 2012, ce qui portera à 80.000 le nombre de fonctionnaires non remplacés à l’école durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Parallèlement le nombre d’élèves augmente, une tendance qui devrait se poursuivre dans les quinze prochaines années. Mais, comme l’assure le ministre de l’Education national Luc Chatel, les effectifs par classe sont en baisse par rapport au début des années 90 qui comptaient alors deux élèves de plus par classe en moyenne. Pour la rentrée 2011, précise Luc Chatel, cette moyenne est de « 23 élèves par classe en primaire, 25 au collège, 27 au lycée et 19 au lycée professionnel ». Cette année l’école dénombre 85000 élèves en plus, et 16000 postes supprimés.

Le 13 septembre, c’est l’OCDE a publié son rapport annuel sur l’éducation dans 34 pays développés. S’agissant de la France, il fait quatre constats.

1. Le taux de scolarisation des jeunes de 15 à 19 ans, les lycéens, a diminué de 89 % à 84 % entre 1995 et 2009, alors qu’il a augmenté de plus de 9 points en moyenne dans l’OCDE. Et l’on compte toujours quelque 140 000 jeunes qui, chaque année, sortent du système sans aucune qualification.

2. De 2000 à 2008, les dépenses d’éducation ont augmenté de 5 %, quand elles progressaient de 15 % en moyenne dans les autres pays de l’OCDE. En outre, ces dépenses sont déséquilibrées, plus fortes qu’ailleurs dans l’enseignement secondaire (+ 12 %), mais nettement plus faibles (- 14 %) dans l’enseignement primaire, là même où se nouent les retards scolaires, souvent irrémédiables.

3. Le salaire statutaire (hors primes et heures supplémentaires) des enseignants français est non seulement inférieur à la moyenne de l’OCDE, mais il a diminué en valeur réelle depuis quinze ans. Et quand M. Chatel rappelle qu’il a augmenté de 10 %, en 2010, le salaire des professeurs débutants, il oublie de préciser que lesdits salaires étaient alors très inférieurs à la moyenne de l’OCDE (de 24 %), et qu’ils le restent.

4. Enfin, l’OCDE redit, comme l’ont cruellement établi ses enquêtes PISA sur les compétences des élèves, que l’école française, loin de corriger les inégalités sociales entre élèves, les aggrave au contraire.

L’analyse de Natacha Polony

Natacha Polony est une journaliste et essayiste française, spécialisée dans le domaine de l’éducation. Depuis août 2009, elle est journaliste au Figaro au sein de la rubrique « éducation ». Elle tient par ailleurs un blog sur le site Internet du Figaro intitulé Éloge de la transmission. En juin 2011, elle est engagée comme chroniqueuse à compter de septembre 2011 aux côtés d’Audrey Pulvar dans l’émission On n’est pas couché présentée par Laurent Ruquier sur France 2.

En 2007, elle rédige un article titré : « L’école en danger : dix mesures qui pourraient tout changer », aujourd’hui devenu un livre. Parmi ces idées, le maintien de l’école comme lieu de contemplation, la réha¬bi¬li¬ta¬tion du « par cœur » pour ensuite comprendre la logique et le sens des événements, l’acceptation du « mauvais » rôle joué par l’école, celui qui consiste à demander aux élèves de retenir des choses dont ils ignorent encore l’utilité. En résumé, l’école, « qui ne doit pas, à la différence des établissements supérieurs, donner un emploi », pourrait, selon la journaliste, servir un objectif : «passer le relais et former des hommes libres ».

Après ce livre, Natacha Polony ne pensait pas devoir en écrire un nouveau sur le sujet, mais le premier n’a pas eu l’impact qu’elle souhaitait. Alors le 1er septembre 2011, elle publie aux éditions Mille et une nuits École : le pire est de plus en plus sûr, roman d’anticipation sur l’école du futur. Dans ce roman, elle imagine la rentrée futuriste en sixième d’Hugo, en 2020. Une rentrée sous le signe de la crise dans l’éducation, qui s’aggrave d’année en année. De réforme en réforme « L’école n’est plus l’école de la République. En 2020, de nombreux établissements sont devenus des zones de relégation… » Elle démontre que la politique de l’éducation actuelle va à terme faire effondrer le système.

15 mesures pour sauver l’école, éditions Mille et une nuits, 2007

École : le pire est de plus en plus sûr, éditions Mille et une nuits, 2011

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