Les ateliers philo pour enfants vont-ils connaître le même succès que les ateliers d’écriture il y a 15 ans ? Retour sur une pratique qui dérange parfois l’Education nationale.
Dans les années 1970, aux Etats-Unis, Matthew Lipman veut remotiver les élèves, stimuler leur pensée, leur curiosité et leur imagination pour faire d’eux des adultes responsables et autonomes. Vaste programme ! Pour y parvenir, il propose la pratique de la philosophie.
Il développe tout un dispositif autour sept romans philosophiques spécifiquement écrits pour déclencher les discussions, chacun ayant été pensé pour un âge bien précis. Après la lecture, les enfants échangent, s’empruntent des idées les uns aux autres, justifient leurs positions. Lipman cherche ainsi à favoriser une pensée riche, critique et créatrice… Depuis, de nombreux enseignants se sont lancés dans l’aventure, sans toujours suivre exactement le « courant » Lipman. Mais que se passe-t-il exactement, dans un atelier philo pour enfants ?
Un atelier se déroule en deux parties : tout d’abord on lit un texte, puis les élèves élaborent les questions d’ordre général que ce texte leur a inspiré et enfin votent pour celle qu’ils veulent retenir entre toutes. Dans un 2e temps, la discussion s’organise autour de cette question. L’enfant ne parle que lorsqu’on lui donne la parole et aucun jugement n’est permis. « Petit à petit les enfants apprennent à sortir de leur situation personnelle et veulent entendre ce que les autres ont à dire sur le sujet », raconte Gille Geneviève, enseignant à Caen. La durée d’un atelier dépend de l’âge des enfants, de leur capacité de concentration et de leur avancée dans la démarche. En maternelle, un atelier dure une quinzaine de minutes et peut s’organiser autour d’une photo (voir encadré). Selon G.Geneviève, « dès 3 ans, les enfants s’interrogent. Le monde est mystérieux, y compris les relations avec les autres, et tout cela suscite un questionnement qu’il est légitime d’entendre. Philosopher n’est pas trouver des réponses, mais être capable de se poser des questions ».
Dans une conférence à l’IUFM d’Orléans-Tours, Anne Lalanne, professeur des écoles, auteur de « Faire de la philo à l’école élémentaire », a pointé du doigt les écueils de ces ateliers : la psychologie (ne pas parler de soi, mais parler en tant qu’humain), le relativisme (chacun pense ce qu’il veut) et le dogmatisme (une conception s’impose aux autres). Au final, l’objectif est de permettre aux enfants de s’interroger pour savoir d’où ils savent ce qu’ils savent et ce que vaut l’origine de leur savoir. C’est un travail rationnel et non plus d’expression spontanée, où l’on confronte ses idées avec celles des autres. L’atelier philo cultive le sens de la responsabilité, l’autonomie, le respect de la parole de l’autre, le partage de la parole et du pouvoir ainsi que la co-construction de la loi ; tout cela favorisant l’apprentissage de la citoyenneté. Un objectif qui s’inscrit bien dans les enjeux de l’école…
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