L’école va mal, on finit par le savoir. Mais, quels sont les chantiers laissés en plan pour la réformer ? Qu’est ce qui manque à l’école pour devenir un lieu de partage des savoirs qui satisferait parents et écoliers ?
Rythmes scolaires, formation des instituteurs… Le débat est permanent pour déterminer ce qui doit être fait pour améliorer l’école. Entre les réformes abandonnées pour cause de lynchage sur la place publique, et celles qui semblent demander un temps infini pour prendre forme, où en est-on ?
Faisons le point avec Pierre Frackowiak, inspecteur de l’Education nationale, vice-président de la Ligue de l’Enseignement 62, et surtout : expert de l’école, sans langue de bois.
En ce qui concerne le rythme scolaire, chaque parent a son opinion. Le comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires a présenté au mois de juillet ses dix recommandations pour rééquilibrer le temps scolaire, qui devraient être appliquées en 2012. Résultat : rien de nouveau sous le soleil de l’école Républicaine… A quelques détails près. Pour les élèves du CP à la 3ème, les vacances passeraient à six semaines, contre les huit actuelles. Huit semaines de « petites vacances » seraient intercalées tout au long de l’année. Du CP à la 5ème, le volume de cours est de vingt-trois heures sur chaque année. Il serait maintenu, mais organisé différemment. Les journées seraient allégées, et en contrepartie les semaines de classe passeraient de quatre à cinq jours. Les élèves iraient à l’école de 8h30 à 17h. Le conseil prévoit d’intégrer aux journées de classe une heure et demi de pause déjeuner et une (voire deux heures) d’accompagnement scolaire. Des journées moins lourdes en somme, et un rythme mieux adaptés aux élèves en difficulté. Mais est-ce bien utile ?
Le point de vue de Pierre Frackowiak
“On s’est bien rendus compte que le système de 4 jours ne marchait pas, il était donc important de remettre le rythme scolaire à l’ordre du jour. Mais il y a plusieurs questions qui entrent en compte.
La plupart des parents adhérait à l’idée de l’école le samedi, et s’inquiètent maintenant de la lourdeur des journées scolaires. C’est un frein de plus pour les élèves en difficultés.
La journée scolaire en France est trop lourde et la semaine de 4 jours et l’aide individualisée l’ont encore alourdie. Il ne saurait être question à nouveau, comme cela a été le cas pour les 4 jours, de changer le rythme scolaire sans changer le reste du fonctionnement du système : les programmes, les méthodes…
Ensuite, si on réduit la journée scolaire, il faut ménager un temps pour des activités pendant les heures retirées. Sport, activités culturelles, artistiques… A priori, ce sera la responsabilité des collectivités territoriales. Donc la question qui se pose, c’est de savoir comment pallier aux inégalités entre les communes. Dans certaines communes, on propose du matériel informatique, des moyens pour faire des sorties scolaires, une bibliothèque… Mais dans l’école qui se trouve à 500m de là, il n’y a rien de tout ça ! Il faudra donc à la fois une concertation avec les collectivités, une réflexion et un encadrement pour les activités péri et post scolaires, et une relance de l’éducation populaire, sans laquelle la mise en œuvre d’une réforme sera impossible.”
C’est bien simple : les parents semblent exclus de la pédagogie. Cantonnés à la mission de recueillir les notes et s’assurer que les devoirs sont faits, c’est seulement deux fois par an qu’ils interviennent : une réunion parents/profs en début d’année, un conseil de classe à la fin. Comment intégrer les parents à la vie scolaire ?
Le point de vue de Pierre Frackowiak
“Les parents n’ont jamais eu vraiment leur place à l’école, malgré les lois, les injonctions, les recommandations et l’évidence de la nécessité d’une coopération entre la famille et l’école. La raison majeure est, qu’on le veuille ou non, qu’il y a toujours un rapport de domination des enseignants sur les parents. Les enseignants convoquent, expliquent, conseillent, recommandent, critiquent éventuellement. Ils s’adressent à des « parendélèves » et non à des citoyens, porteurs de savoirs, intelligents, ayant un vécu, connaissant leurs enfants mieux que personne. On ne changera pas ce fonctionnement en réitérant des incantations. Il faut changer l’école ! Il faut que l’école devienne un lieu de connaissance, d’échange de savoirs, d’éducation permanente, où les parents ne viendront pas que pour recevoir des instructions, mais pour réfléchir collectivement à des problèmes qu’ils sont capables de comprendre : comment l’enfant apprend ? Comment exploiter ses savoirs et ses compétences acquises hors de l’école ? Comment contribuer au développement de son intelligence ?”
Confronté à la grogne des étudiants en IUFM, privés de stages de terrain depuis la masterisation de leur diplôme, le ministère de l’Education corrige le tir. Il lancera à la prochaine rentrée des masters par alternance. Dès la quatrième année d’études, soit le master 1, les candidats à l’enseignement pourront effectuer de 3 à 6 heures par semaine d’enseignement ou occuper un poste d’assistant pédagogique à mi-temps. Cette nouvelle mesure suffira-t-elle à rattraper la baisse massive des effectifs ?
Le point de vue de Pierre Frackowiak
“L’élévation du niveau de formation des enseignants est une bonne chose, elle est nécessaire compte tenu de la complexité croissante du métier. Mais considérer que cette élévation soit quasi exclusivement disciplinaire est une erreur fondamentale. Un an de maths de plus à l’université n’apprendra jamais aux enseignants à enseigner mieux les maths à des élèves qui s’ennuient à l’école, qui ne comprennent rien aux savoirs scolaires parce qu’ils ne les mettent pas en rapport avec leurs propres savoirs. La formation des enseignants exige des programmes spécifiques de formation professionnelle avec de la psychologie, de la sociologie, de la pédagogie, de la philosophie… On en est loin. Les IUFM n’ont certes pas répondu aux attentes, mais les supprimer ne règle rien.”
Depuis l’année dernière, le débat sur la notation des élèves du primaire bat son plein : doit-on purement et simplement supprimer la notation chiffrée des écoliers, pour éviter les comparaisons ? Doit-on au contraire conserver les notes, indissociables du processus de passage d’une classe à une autre ? Les détracteurs de la notation chiffrée lui reprochent d’accentuer l’échec scolaire en décourageant au lieu de mettre en confiance et valoriser. Et à la place ? Certains proposent des appréciations, d’autres un système à cinq lettres en fonction de la validation de certains acquis requis d’une année scolaire à l’autre. La course aux résultats et l’atmosphère de compétitivité qu’impliquent la notation ne sont-elles pas adaptées à la maturité des élèves de primaire ? En somme… Y a-t-il une réforme pour sauver le moral des écoliers ?
Le point de vue de Pierre Frackowiak
“Le problème des notations est extrêmement inquiétant. Noter, c’est favoriser la triche, le bachotage, et une course aux résultats qui met les enfants en compétition entre eux. Il y a même des fédérations de parents d’élèves qui publient les sujets des évaluations à l’avance sur internet !
Ce qui me préoccupe, c’est que notre système reste fondé sur l’élitisme. Il s’agit de classer les élèves. Prétendre que l’évaluation permet de détecter les faiblesses pour les compenser est une erreur, voire un alibi pour justifier la persistance de l’élitisme. L’enfant n’est pas une automobile, il ne suffit pas de détecter la panne pour réparer. La panne peut avoir des causes bien en amont du constat, parfois complètement ailleurs que dans le seul apprentissage disciplinaire. De plus, si l’on veut réellement démocratiser l’école, il faudra rendre l’évaluation positive : axer sur ce que l’enfant sait plutôt que ce qu’il ne sait pas, et mettre en place des démarches pédagogiques qui lui permettent de progresser à partir de ce qu’il sait plutôt que par le gavage ou l’explication magistrale répétitive. Le « je me tue pourtant à te l’expliquer » devient dangereux… Par exemple, en orthographe, il ne suffit pas d’apprendre les règles par cœur. Il faut que les règles prennent sens pour l’enfant. Sinon elles seront oubliées aussitôt.
Pour préparer un enfant à la compétition, vaut-il mieux qu’il soit très tôt dans la compétition ? Ou vaut-il mieux au contraire qu’il se fabrique les armes pour être prêt à se lancer dans la compétition ? Je pense qu’il est plus raisonnable de s’adapter à l’âge des enfants, et de laisser la compétition pour plus tard.”
La dernière réforme des programmes date de 2008. Le but : revenir aux fondamentaux. Mathématiques, français, on exige un niveau adéquat à chaque passage à la classe supérieure. Mais aussi, le grand retour de l’éducation morale. Depuis 2008, rien de nouveau ?
Le point de vue de Pierre Frackowiak
“Avec la réforme des programmes de 2008, on a effectivement voulu remettre en valeur les bases, et donc, le “par cœur”. Or l’apprentissage n’est pas que mécanique ! C’est comme apprendre le solfège sans apprendre à jouer de la musique : c’est rébarbatif. Au lieu d’apprendre par cœur, il faudrait construire des méthodes d’apprentissage. Alors, évidemment, c’est plus compliqué de mettre en place une vraie pédagogie.
La nécessité de reformer les programmes scolaires est un problème global. Face à l’accroissement exponentiel des savoirs produits par l’humanité, face à l’explosion de la diffusion des savoirs grâce aux technologies de communication, face à la perte de valeurs et de repères, face au besoin d’esprit critique, il faudra bien oser se poser la question, en France et ailleurs. Et probablement avoir plus d’exigences sur les finalités (quel homme voulons-nous former et comment ?). Il me parait important d’enseigner avec plus de souplesse sur les contenus en exploitant mieux l’environnement, le territoire.”
“Le vrai changement qui devrait s’opérer est sur la place de l’élève à l’école. Aujourd’hui, le nombre d’enfants qui s’ennuie à l’école est considérable. Et pas seulement des enfants de milieux défavorisés ! Beaucoup d’enfants font un apprentissage de connaissances très riche en dehors de l’école, et de manière plus intéressante. Résultat : il faut intéresser les enfants à l’école, et pour se faire, leur redonner une place de choix dans la pédagogie. En plus, il y a de plus en plus de disciplines, de nouveaux champs qui correspondent de plus en plus à notre société. Par exemple, l’économie. Mais alors, comment faire un choix ?
De plus, à l’école, on ne prend pas en compte les connaissances des enfants lorsqu’elles ne font pas partie des programmes. C’est une erreur ! C’est même l’une des causes de l’échec scolaire. Par exemple, dans l’apprentissage de la lecture, on part du principe que les enfants ne savent rien. Or, ce n’est pas vrai : depuis tout petits, ils reconnaissent des écrits. En travaillant comme cela, on méprise les savoirs initiaux. En pratique, c’est compliqué, car on ne peut pas prendre en compte les savoirs initiaux de trente élèves ! Mais il faut à tout prix essayer de prendre en compte le fait que les écoliers ont des connaissances en dehors de l’école, qu’ils peuvent utiliser dans leur apprentissage. Il faut sortir de la relation « le maître qui sait » / « l’élève qui ne sait rien » !”
Pour prendre le pouls des salles de classes, nous avons discuté avec deux institutrices. L’une enseigne en primaire depuis quinze ans, l’autre débute sa troisième année en tant que professeure des écoles. Sur le terrain, quelles difficultés rencontrent-elles ?
Christelle Malmaison :
« Ce qui rend mon travail plus difficile qu’à mes débuts il y a quinze ans, c’est que l’on nous en demande de plus en plus : informatique, anglais, sécurité routière, gestes de premiers secours… en plus des bases. Sans plus de moyens, avec moins de formation, et beaucoup moins de reconnaissance. Il me semble qu’une réforme, en profondeur, des rythmes scolaires pourrait être bénéfique, mais à condition qu’elle tienne compte du temps de présence global des enfants dans l’école, et pas seulement du temps de classe, et que l’organisation du temps périscolaire supplémentaire ne soit pas à la charge des collectivités territoriales, car cela engendrerait beaucoup trop d’inégalités. »
Coline Buevoz :
« Le plus difficile pour moi, c’est de m’adapter aux capacités de compréhension de chacun. Certains comprennent tout de suite, pour d’autre, il faut prendre le temps d’expliquer différemment, de manière plus ludique. Le problème, c’est qu’on n’a pas de temps prévu pour faire de la pédagogie différenciée. Il faut trouver le temps, et ce n’est pas toujours facile. »
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