On estime aujourd’hui que près de 250 000 élèves suivent des cours privés à domicile pour un coût moyen de 1 400 € par an pour les parents. Mais ils dépensent cet argent avec un plaisir fébrile, portés par le grand espoir de voir leur enfant s’en sortir, convaincus qu’ils seraient de mauvais parents s’ils ne le faisaient pas, cernés qu’ils sont par un matraquage publicitaire qui joue sur leur peur… D’autant plus que, argument choc, l’exonération fiscale à la clé leur promet la réussite de leur bambin pour deux fois moins cher que le « coût réel » : quand ils paieront 35 euros, après déduction, ils n’auront payé que 17,50 euros. C’est cadeau !
Si les résultats suivaient, il n’y aurait sans doute pas à chercher la petite bête. Tant mieux pour les parents qui peuvent se diraient ceux qui ne peuvent pas. Il y a longtemps que la réussite pour tous n’est plus qu’un discours. Mais qu’en est-il de l’efficacité réelle de ces cours ?
On y découvrait aussi que les « conseillers pédagogiques » chargés de sélectionner les futurs professeurs à domicile étaient en fait des commerciaux – l’un d’entre eux venait de la grande distribution – et que, la plupart du temps, l’exigence minimum de BAC + 3 et d’un casier judiciaire vierge, n’était pas respectée, en tout cas pas vérifiée sur pièces. Grave quand on travaille à domicile, auprès d’enfants. Parfois même, les candidats étaient recrutés par téléphone.
Il faut savoir que ce secteur n’est pas réglementé : il suffit d’avoir des locaux aux normes et un casier judiciaire vierge pour ouvrir un organisme de soutien scolaire privé. Qu’en est-il des résultats des enfants qui « bénéficient » de ces cours à domicile ? Difficile à estimer. « En quelques années, j’ai dépensé pour mon fils de quoi m’acheter une Porsche pour un résultat nul » ironise Marie, maman d’ado, qui a fait le tour des organismes es plus réputés en la matière. Puis elle nuance : « Au moins, il a un peu pris confiance en lui. Je crois qu’il se sentait seul face à ses difficultés et ça l’a sûrement un peu aidé de ce côté-là. On va dire que ça a peut-être remplacé deux ou trois séances chez le psy ! » Un peu cher payé l’estime de soi !
Toute cette nullité ambiante ne serait-elle pas montée de toutes pièces pour faire marcher le petit commerce ? Non, répondent d’une part le rapport du haut Conseil de l’Education d’août 2007 qui précise que « 15 % des élèves arrivent en 6ème sans avoir les bases suffisantes » et d’autre part les résultats médiocres des élèves français aux évaluations PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves – OCDE). Au-delà du constat, que faire pour ramener les plus faibles à un niveau décent ?
En août dernier, un rapport de la SNUipp, principal syndicats d’enseignants du 1er degré, établi après enquête auprès de 1 200 professeurs, précisait : « Cette année scolaire a été vécue comme particulièrement difficile pour les équipes, dans l’ensemble peu convaincues de l’utilité, de l’intérêt de ces réformes, d’autant qu’elles sont accompagnées d’attaques contre les postes de RASED (Réseau d’Aide aux Elèves en Difficulté) » En clair, demander à des enseignants pas formés pour cela d’aider des élèves en difficulté alors que l’on supprime parallèlement des postes d’enseignants spécialisés pour cela passe mal… « L’aide « personnalisée » risquant fort de se substituer, à terme, à l’aide spécialisée » précise Roland Goigoux, professeur à l’IUFM de Clermont-Ferrand. Beaucoup d’enseignants se sont sentis investis d’une mission – et donc d’une responsabilité – qu’ils ne se sentaient pas capables d’assumer, beaucoup ont aussi insisté sur la difficulté à cerner les élèves à prendre en charge et à définir le contenu de l’aide à apporter.
Que faire, dès lors ? « Le SNES demande la mise en place de dispositifs de soutien au sein de l’Education nationale. Ils pourraient être financés en partie par la suppression des déductions fiscales accordées aux familles qui ont recours aux services marchands de soutien scolaire » précise un rapport du 19 février dernier.
En attendant, les élèves et leurs parents peuvent aller faire un tour sur AtoutCned, site de soutien scolaire mis en place par le Cned, complémentaire du site gratuit acamémie-en-ligne, et qui propose des cours et exercices avec tutorat pour moins de 10 euros par matière et par mois. Un début de solution mais qui ne remplace pas, bien évidemment, la présence d’un prof aux côtés de l’élève.
L’Education nationale, quant à elle, ne peut officiellement rien faire contre la marchandisation du soutien scolaire externalisé… Mais a bien du mal à mettre ses propres lois en place. Et puis business is business. Pour la petite histoire, à l’heure où Internet se vend en packs publicitaires aléatoires qui se dispatchent au hasard sur des PAP (Pages Avec Publicité), on peut retrouver, sur le site de l’émission Envoyé Spécial de France 2, juste sous la présentation du reportage qui épingle les organismes privés de soutien scolaire… Une superbe bannière Acadomia ! Cherchez l’erreur !
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