Les services à la personne ont de l’avenir, portés par la demande et le plan Borloo de cohésion sociale. Parmi eux, les entreprises de soutien scolaire ont connu une expansion spectaculaire ces dernières années. Le secteur du soutien scolaire, en croissance de 10 % par an, représenterait aujourd’hui l’équivalent de 2 milliards d’euros, selon une étude de Ludovic Mélot pour le portail d’études de marché Xerfi. 80% de cette somme proviendrait du travail au noir. «Ce chiffre est à prendre avec des pincettes», indique Dominique Glasman, professeur de sociologie à l’Université de Savoie.
Il est l’auteur d’un rapport sur «Le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école», réalisé à la demande du Haut Conseil pour l’évaluation de l’école. Selon lui, une grande partie de ce qu’on appelle le travail au noir n’est en fait que du travail non déclaré, «ce qui est toléré par le fisc jusqu’à six heures par semaine et lorsque la personne n’en fait pas son activité principale».
Quoi qu’il en soit, les professionnels du soutien scolaire atteignent environ 400 millions d’euros de volume d’affaires aujourd’hui. Le leader, Acadomia, avance 80 millions d’euros sur l’année scolaire 2004-2005, loin devant ses premiers concurrents : Complétude (17,5 ME), Cours Legendre (13,5 ME), Anacours (5,2 ME) ou encore Keepschool (3,5 ME).
Les incitations fiscales de l’Etat sont une des raisons de cette croissance spectaculaire. En effet, à partir du milieu des années 90 les familles ont pu déduire directement de leurs impôts la moitié de la rémunération d’un étudiant, d’un professeur indépendant ou envoyé par un organisme privé (dans la limite de 12 000 euros, majorée de 1500 euros par enfant à charge, sans pouvoir dépasser au maximum 15 000 euros, ndrl).
Cela a encouragé des familles qui hésitaient à cause du coût à franchir le pas. Depuis, les campagnes de communication ont inondé les magazines, les radios, les lignes de bus et de métro. Pour Mathilde Lafarge, jeune PDG de Qualicours, à Paris, «le référencement sur Internet est le moyen le plus efficaces de drainer de nouveaux clients».
La peur de l’échec et la course à l’excellence sont également deux facteurs importants dans les motivations des familles. Résultat : aujourd’hui «un élève sur quatre s’ils sont au lycée et un sur cinq au collège recourent aux petits cours», relève le rapport Glasman, et ils s’étalent sur toute l’année scolaire.
Avec un organisme professionnel, un cours à domicile revient en moyenne à 30 euros de l’heure, moitié moins pour les familles qui le déduisent de leurs impôts. Les professeurs gagnent environ 15 euros de l’heure, et ceux qui ne font que ça peuvent gagner jusqu’à 1300 euros par mois.
Le prix des cours varie en fonction du nombre d’heures, de la classe de l’élève et de sa localisation. Presque toutes les entreprises imposent d’abord une inscription administrative (entre 70 et 80 euros) et certaines n’offrent pas de cours à moins d’un engagement d’une douzaine d’heures minimum, comme Keepschool ou Anacours. Les sites de soutien scolaire en ligne, tels Paraschool ou Maxicours, proposent des forfaits avec ou sans professeur à partir de 9,95 euros par mois.
Pour que familles et professeurs ne soient pas tentés de traiter en direct, les organismes privés misent sur la qualité de service, avec des stratégies variées : Complétude a choisi la certification ISO 9001, Anacours a signé avec l’éditeur scolaire Hatier et Acadomia avec Nathan pour mettre des manuels à disposition des professeurs et des fiches de cours sur Internet à disposition des élèves. Keepschool a signé un partenariat avec Maxicours pour proposer de l’évaluation en ligne à ses élèves et avec le magazine L’Etudiant pour un service de conseil.
Tous offrent des cadeaux à leurs professeurs qui « parrainent » de nouveaux élèves ou enseignants et tous affirment faire un suivi des élèves par mail ou par téléphone. La vraie différence se fait côté recrutement : les mandataires emploient 90% d’étudiants, qui financent ainsi une partie de leurs études. Le pdg d’Anacours assure que dix minutes suffisent pour cerner un bon candidat en entretien d’embauche…
Les prestataires de service préfèrent de « vrais » professeurs, en activité ou retraités. Chez Sylvan France, il est carrément hors de question d’employer des étudiants. «Nous ne voulons pas de petits Mozart de la pédagogie», explique M. Roques. Ce qui a un coût, répercuté sur le prix des cours.
L’arrivée du Chèque emploi service universel (CESU), le 1er janvier 2008, devrait augmenter la demande de soutien scolaire. Le dernier-né du plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo (loi n° 2005-841 du 26/07/2005) permet désormais aux entreprises, comités d’entreprise, mutuelles, assurances, caisses de retraite, centres communaux d’action sociale ou conseils généraux de prendre en charge l’emploi à domicile.
Ainsi, même les familles non imposables pourront bénéficier d’une réduction des tarifs de cours… «Le CESU est bien moins discriminant que l’ancien chèque emploi service (CES)», se réjouit Jean-Michel Roques. Le PDG de Sylvan France peut être satisfait : le nouveau dispositif lui permet de faire bénéficier à ses clients des mêmes avantages fiscaux que les entreprises de soutien scolaire à domicile, alors que ses professeurs n’officient qu’en centre. Contrairement au CES, le CESU est ouvert aux associations et entreprises périscolaires. «Ceci devrait changer un peu la donne en matière de concurrence», estime Dominique Glasman.
«A l’avenir, les filiales de réseaux bancaires, mutualistes ou d’assurances devraient créer, racheter ou développer des partenariats avec des entreprises de soutien scolaire existantes» estime l’étude Xerfi. Le groupe Chèque Déjeuner, la Macif, la Matmut et la Mutualité Française ont déjà fondé Domicours. Les entreprises comme Après la Classe ou Domaliance, qui assurent aux familles un «package» comprenant soutien scolaire, ménage et garde d’enfant, devrait se développer. Par contre, passer de mandataire à prestataire ne semble pas d’actualité pour la majorité des entreprises interrogées.
Le Chèque emploi service universel(CESU) se décline en deux offres de service :
1) le CESU bancaire (l’ancien Chèque emploi service), qui permet de rémunérer et de déclarer un salarié employé à domicile. Il s’utilise comme un chèque bancaire et est diffusé par les établissements b
ancaires ayant signé une convention avec l’Etat ;
2) le CESU préfinancé, qui sert à payer un prestataire de services à la personne ou bien un salarié. Il est préidentifié au nom du bénéficiaire, à valeur prédéfinie, diffusé par des organismes cofinanceurs et émis par un des six organismes habilités par l’Agence nationale des services à la personne (Sodexho chèques et cartes de services, Natexis Intertitres (groupe Banque populaire), Domiserve (filiale des groupes Axa et Dexia-Crédit local), Chèque Domicile, Accor Services France (en partenariat avec le groupe Caisse d’épargne) et la Banque postale).
Les entreprises qui distribueront le CESU bénéficieront d’un crédit d’impôt sur les bénéfices de 25% des aides versées. Les particuliers qui les utiliseront pourront eux déduire 50% des sommes utilisées pour les services à domicile, 25% pour les gardes d’enfants et une TVA à 5,5% pour toutes les prestations de services fournies par les entreprises et associations agréées.
CM : Les sociétés de soutien scolaire affirment pallier les manques de l’Education nationale. Qu’en pensez-vous ?
Le fait que ces officines existent et se soient développées répond à une demande fondée sur le souci de la réussite scolaire des enfants. Et dans une société marquée par l’individualisme et les problèmes d’emploi, cette préoccupation des parents est fondée…
La réussite des élèves dépend de l’école mais aussi de la capacité au réinvestissement hors temps scolaire. L’accompagnement scolaire permet de développer cette capacité. Mais que ce soient des organismes privés qui s’en occupent, je suis contre, car il y a risque d’individualisation.
Considérer que les sociétés de soutien scolaire pallient les manques de l’Education Nationale joue contre l’Education nationale. L’Ecole a des carences, c’est sûr, mais elle doit rester républicaine : nous avons donc la responsabilité d’organiser un soutien scolaire sur fonds publics, par le biais des municipalités et des associations. Je suis pour un service public du temps périscolaire, où l’Ecole est au centre et fédère les bonnes volontés. Attention, il ne s’agit pas de faire que des activités ludiques et de maintenir les élèves dans un cocon, mais d’assurer un accompagnement de type « étude surveillée ».
A Pantin, j’ai mis en place un club « Coup de pouce » pour les élèves de CP présentant certaines faiblesses dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Partout en France, ce dispositif propose un animateur pour 5 enfants (instituteur de l’école que fréquentent les enfants ou intervenant extérieur) formé par L’APFÉE (Association pour favoriser une école efficace). Les séances se déroulent au sein même des écoles. De même, des structures comme l’AFEV (association de la fondation étudiante pour la ville), créée il y a 15 ans, composée aujourd’hui de 5 000 étudiants à travers le pays, devraient être encouragées. A ce propos, je considère que les étudiants font d’excellents animateurs de soutien scolaire après une petite formation. De toute façon, les professeurs ne peuvent pas tout assumer, le travail à l’école et après l’école. Le temps périscolaire doit être partagé.
A lire : «Le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école» de Dominique Glasman publié par l’Université de Savoie au prix de 15 euros ou accessible sur le site du Haut Conseil de l’évaluation de l’école, http://cisad.adc.education.fr/hcee/.
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