Fécondité : un bébé quand je veux ?

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Aujourd’hui, la majorité des couples décident de l’arrivée de bébé. La nature n’a plus rien à dire si ce n’est de refuser la grossesse lorsque les futurs parents décident trop tard de passer à l’action. Lorsqu’ils s’aperçoivent qu’ils ne peuvent pas ou plus concevoir, les couples en mal d’enfant n’ont plus d’autres choix que de faire appel aux techniques d’assistance médicale à la procréation. Pourquoi et comment se met en place une telle démarche ? Hommes et femmes se livrent.

Fécondité : devenir mère de plus en plus tard

6966Les chiffres ont parlé : de plus en plus de couples décident de plus en plus tard la conception de leur premier enfant. A la question « Désir d’enfant, quelle approche ? » 58% des couples (interrogés dans le cadre d’un sondage réalisé par BVA Opinion pour le Collège des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) en février 2009), répondent « un enfant quand je veux », alors que seulement 38% déclarent « un enfant quand je peux ».

 L’institut national d’études démographiques (INED) constate de son côté un très net recul de l’âge de la première grossesse. Il était de 24 ans en 1970 contre 28,7 aujourd’hui.

Devenir mère : de nouvelles priorités

La courbe d’augmentation de l’âge du premier enfant n’a pas fini de grimper. Les priorités ont changé et les raisons susceptibles de retarder un désir d’enfant toujours plus variées : situation professionnelle et financière (61% des personnes interrogées), santé (22%),  situation familiale particulière telle la non présence du partenaire ou l’existence de tensions dans le couple (19%), état psychologique (11%).

« Mais aussi parce que la durée des études s’allonge, ajoute Amandine*, 32 ans, du moins en ce qui me concerne. J’ai suivi un cursus universitaire classique en biologie moléculaire. Jusqu’à la soutenance de ma thèse je n’ai pas eu d’autres intérêts que mes recherches. Lorsque j’ai levé les yeux pour regarder le monde autour j’avais déjà 29 ans,  toujours pas de travail ni de situation de famille stable. Aujourd’hui, je suis prête et j’essaie de tomber enceinte. Avec mon copain nous essayons depuis près de 7 mois, sans résultat pour l’instant. »

Sur Internet les forums regorgent de femmes qui, comme Amandine, ont longtemps étudié, ont privilégié l’évolution de carrière, la vie de couple à deux ou bien ont longtemps attendu « Le » prince charmant, sans s’interroger sur les éventuelles difficultés à venir, sans s’imaginer que la nature ne répondait pas toujours au doigt et à l’œil des désirs humains.

* les prénoms des personnes interrogées ont été modifiés. Elles ont préféré préserver leur anonymat.

Fécondité : le taux de fertilité baisse avec les années

« Pour un couple fertile âgé de 25 ans, la probabilité d’obtenir naturellement un enfant est de 25% tous les mois. Après 38 ans ce chiffre est divisé par deux, à 42 ans nous estimons le taux de réussite à 8% des 25% de départ, » indique le Docteur Jean-Pierre Kutner. Gynécologue obstétricien, agrée pour les actes cliniques d’assistance médicale à la procréation, il compte parmi les 2 spécialistes parisiens à accepter de prendre en charge les patientes les plus âgées.

« Cette courbe est simple à comprendre, poursuit le gynécologue. L’homme produit des spermatozoïdes tous neufs tous les 3 mois, tandis que la femme possède son stock d’ovules alors qu’elle est encore dans le ventre de sa propre mère. Ses cellules reproductrices vieillissent en même temps qu’elle.» Reculer encore et toujours la conception de son premier enfant, c’est donc prendre le risque de vivre certaines difficultés.

Même si une femme n’est pas encore ménopausée, c’est-à-dire qu’elle n’a pas encore vécue cette étape clé de la vie qui consiste à l’arrêt du fonctionnement des ovaires (constatée actuellement entre 40 et 55 ans), elle voit son taux de fertilité baisser avec les années.

Une fertilité en baisse

Aux grossesses dites « tardives » s’ajoute en plus le phénomène avéré de chute de la fertilité masculine et les divers problèmes de stérilité féminine et masculine dus notamment « à la consommation d’alcool, de tabac et/ou de drogue comme le cannabis, insiste le Docteur Jean-Pierre Kutner, mais aussi à une mauvaise alimentation, à la pollution, aux pesticides, à certaines pathologies et traitements qui leurs sont associés ou produits dont les patients ne soupçonnent pas toujours les conséquences. J’ai reçu un couple il y a quelques temps qui ne parvenait pas à ses fins naturellement. Après enquête, nous avons découvert que la stérilité de l’homme venait du fait qu’il prenait un produit contre la chute de cheveux. Aujourd’hui que le problème a été diagnostiqué nous avons engagé, comme pour tous les autres cas de stérilité, une démarche d’assistance médicale à la procréation. »  

L’assistance médicale à la procréation : le parcours pratique

Lorsque les tentatives naturelles ne donnent rien, les couples peuvent faire appel aux techniques d’assistance médicale à la procréation ou AMP. Pour rappel, le CNGOF indique que la majorité des grossesses survient dans les 6 premiers mois et qu’il est donc conseillé de consulter un spécialiste en l’absence de grossesse après un an de rapports sexuels réguliers (dès 6 mois pour les femmes de plus de 35 ans ou en cas de troubles chez l’un ou l’autre des conjoints). Le parcours d’une APM pourrait se découper en plusieurs étapes.

Assistance à la procréation : première étape

Le médecin vérifie que le couple répond bien aux critères légaux de l’AMP car cette dernière n’est pas à la portée de tous. D’après la loi relative à la bioéthique du 6 août 2004, seul un couple formé d’un homme et d’une femme (entendez par couple un homme et une femme mariés depuis au moins 2 ans ou bien en mesure de prouver une vie commune), tous deux en âge de procréer peut bénéficier de ces techniques. L’âge étant encore aujourd’hui évasif, il revient aux responsables des centres spécialisés de le fixer.

La sécurité sociale quant à elle rembourse les fécondations in vitro jusqu’à 43 ans. La mise en œuvre de l’AMP est indiquée lorsque le couple se trouve face à une infertilité médicalement constatée ou pour éviter la transmission d’une maladie grave à l’enfant ou à l’un des membres du couple. En France, il est interdit de faire appel à une « mère porteuse » et d’avoir recours à un double don de gamète.

Assistance à la procréation deuxième étape

Le spécialiste mène les examens du bilan d’infertilité. Il s’intéresse notamment à la qualité de la glaire cervicale (cette substance transparente produite au moment de l’ovulation pour faciliter l’ascension des spermatozoïdes dans l’utérus), à la durée et la régularité des cycles menstruels de la femme, il visualise ovaires, trompes et cavité utérine et demande à faire analyser les spermatozoïdes de l’homme pour en établir leur quantité et qualité.

Assistance à la procréation : troisième étape

Le choix de la technique. Le bilan permet au médecin d’établir un parcours adapté et personnalisé aux couples qu’il rencontre.

Procréation médicalement assistée : les techniques en question

Il existe 4 techniques autorisées et homologuées en France (autrement dit remboursées par la sécurité sociale).

La stimulation ovarienneC’est la plus ancienne d’entre elles. Elle fonctionne par traitement hormonal chez la femme en cas de trouble de l’ovulation.
L’insémination artificielleL’insémination artificielle (IA) est utilisée en cas d’infertilité inexpliquée, de faiblesse relative du sperme de l’homme ou de problèmes de glaire cervicale. Elle se pratique avec le sperme du conjoint ou d’un donneur qui est déposé directement dans la cavité utérine. L’insémination artificielle se pratique dans un centre d’AMP ou au cabinet du gynécologue.
La fécondation in vitroLa fécondation in vitro ou FIV (la plus connue des techniques) est née dans les années 80 (Louise Brown, le premier bébé éprouvette a vu le jour en juillet 1978). Elle commence par une stimulation ovarienne (un peu différente de la stimulation précédemment présentée) qui va provoquer la production non pas d’un mais de plusieurs ovocytes par cycle. Ceux-ci sont ensuite ponctionnés sous anesthésie puis placés dans une éprouvette tandis qu’un échantillon de spermatozoïdes du conjoint ou d’un donneur est lui aussi ajouté dans l’éprouvette. Si la fécondation a bien lieu, l’embryon est transféré dans l’utérus 48 heures plus tard. Le transfert est indolore et réalisé sans anesthésie.

Il est bon de savoir que plusieurs embryons sont souvent réimplantés pour augmenter les chances de grossesse (d’où les cas de naissances doubles ou triples). Ceux qui ne sont pas réimplantés sont alors congelés en vue d’une prochaine réimplantation. La FIV s’adresse aux femmes dont les trompes ne fonctionnent pas ou qui ont été enlevées, ainsi qu’aux cas de stérilité inexpliquée.
L’ICSIL’ICSI enfin, est venue s’ajouter aux techniques d’AMP plus récemment, dans les années 90. Elle se pratique comme la FIV à une différence près : la fécondation n’est pas laissée au bon vouloir des spermatozoïdes et ovocytes dans une éprouvette. L’ICSI se pratique sous microscope car les spermatozoïdes sont directement déposés à l’intérieur des ovocytes, grâce à une pipette. Cette technique convient aux cas de stérilité masculine sévère.

En cas de FIV ou d’ICSI les femmes suivent un traitement hormonal qui dupe l’organisme afin que celui-ci soit fin prêt à recevoir l’embryon. Tout doit se passer comme si la fécondation avait véritablement eu lieu à l’intérieur de l’utérus.

Une toute dernière technique de pointe est en train de naître appelée l’IMSI. Celle-ci se pratique comme l’ICSI mais avec un microscope 16 fois plus puissant, ce qui augmente les chances de réussite ! La technique est toujours en attente d’homologation.

Procréation médicalement assisté : l’aventure commence

Une fois la technique choisie, la dernière grande étape du parcours avant la grossesse se dessine enfin. Les couples qui sont parvenus à ce stade passent à la phase pratique. «  Moi par exemple, j’ai eu beaucoup de mal à concilier cette démarche avec mon boulot, explique Claire, 37 ans, consultante. J’ai fait 3 tentatives de FIV avant de réussir à tomber enceinte. C’est long et les rendez-vous sont souvent fixés à la dernière minute ou presque. Difficile alors de prévoir les absences au bureau. »

Pour Alice, 46 ans aujourd’hui : « ce sont les traitements qui ont pesé. Il m’a fallu bien du courage pour avaler les trop grandes quantités de médicaments, supporter les piqûres trop nombreuses. J’ai commencé à 39 ans, j’ai fait 4 FIV, mon corps n’en peux plus, acné, vergeture, prise de poids, fatigue… Pourquoi j’ai attendu si tard ? Parce que j’ai rencontré le bon partenaire trop tard, à 38 ans. Puis nous avons eu un parcours semé d’erreurs médicales et de mauvais conseils avant de s’apercevoir de la stérilité de mon conjoint. Si j’avais su, j’aurais fait un bébé toute seule en attendant l’homme qui vit maintenant à mes côtés. Je n’aurais pas écouté mes gynécologues qui m’ont affirmé pendant des années que je pouvais toujours concevoir facilement jusqu’à au moins 45 ans. »

Des difficultés à tous les niveaux

Pierre, 35 ans se souvient lui « de ce moment de solitude lors de mon premier prélèvement de sperme qui devait servir ensuite à la FIV. J’avais 30 ans, j’étais au laboratoire, un tube à la main, avec cette étrange sensation de devoir me masturber pour faire mon enfant. Notre démarche d’AMP venait à peine de commencer – j’étais âgé de 33 ans à la naissance de Théo – et déjà cela me pesait. »

Olivier et sa femme Marie, 34 ans tous les deux, ont eu toutes les peines du monde à surmonter l’échec de leur première FIV et de la fausse couche qui a suivi. Pour Etienne 44 ans et Emilie 38 ans qui ont eu recours au don de gamètes, les difficultés sont vraiment arrivées « lorsqu’il a fallu expliquer à leur enfant que son papa n’était pas son vrai papa au sens biologique du terme »

Dans tous les cas, le désir d’enfant reste le plus fort. « Un bébé donne du sens à la vie », répètent les couples qui, pour ce projet, surmontent la majorité des obstacles qui se dressent sur leur route.

Vouloir ou pouvoir ?

Sylvie a 45 ans. Elle a engagé un processus d’assistance médicale à la procréation il y 3 ans. « Pour des raisons personnelles je n’ai pas voulu avoir d’enfants avant. Mes précédents compagnons ne me convenaient pas et je n’étais pas prête psychologiquement. Je me suis fait avortée 1 fois pour cette raison. Mais à trop tarder, j’ai fini par tomber dans une impasse. Si j’avais véritablement mesuré toutes les difficultés et conséquences de mon geste, j’aurais certainement gardé le premier. Je me suis fixée jusqu’à la fin de l’année pour tomber enceinte, je donnerai tout d’ici là puis ensuite ça sera fini. Je veux un bébé mais je dois penser à demain, à son éducation et ses besoins. »

D’autres femmes, pour d’autres raisons personnelles, ont aussi reculé l’échéance, choisissant aussi parfois l’avortement, se fixant des limites d’âge variées pour arrêter leur démarche de conception assistée. Toutes ne regrettent pas leur parcours, mais admettent avoir misé sur l’AMP.

Certes les techniques d’aujourd’hui peuvent faire des miracles, mais il faut savoir d’une part qu’en termes de résultats elles ne donnent pas mieux que la procréation naturelle (25% de réussite tout âge et techniques confondus) et d’autre part qu’elles ne suppriment pas tous les risques d’une grossesse tardive.

Des risques pour la santé de la mère et de l’enfant

« Le principal et premier risque est de ne jamais avoir d’enfant, rappelle les spécialistes du CNGOF qui ajoutent que si 95% des femmes de 30 ans qui désirent un enfant parviennent à être enceintes, seulement 35% des femmes de 40 ans réussissent. » 

En outre, il faut savoir qu’une grossesse après 40 ans les risques de diabète, d’hypertension artérielle, d’hémorragies, de césarienne et d’extractions instrumentales ainsi que de mortalité liée à l’accouchement augmentent pour la mère, tandis que les risques de malformation fœtale comme la trisomie 21 (qui passe de 1/900 chez les femmes de 25 ans à 1/28 chez les femmes de 45 ans), ainsi que les risques de retard de croissance, de prématurité, de poids de naissance trop faible augmentent chez l’enfant. 

« En pratique cela demande seulement un suivi plus soutenu
, relativise le docteur Jean-Pierre Kutner. Ce n’est pas une raison suffisante pour refuser une AMP. Bien sûr, lorsque la patiente est vraiment trop âgée je dis non en expliquant pourquoi une grossesse n’est plus possible, mais dans la plupart des cas je donne leur chance à un maximum de couples qui viennent me voir. Je veux aider celles et ceux qui sont en difficulté. »

Quelles limites fixer ?

Oui, mais jusqu’où aller ? Les progrès de la recherche ne cessent de repousser les limites fixées par la nature et de briser les repères moraux établis. Ils soulèvent bien des questions au sein de notre société mondialisée. Pourquoi refuser une AMP, alors que l’ouverture des frontières autorise ceux qui le peuvent à profiter des cadres législatifs qui les arrangent ?

Comment dire non à celles et ceux qui sont véritablement dans le besoin malgré leur âge ? Qui peut juger des éventuels abus et accepter ou non de réparer les erreurs commises ? La révision des lois bioéthiques de 2004 qui ont lieu cette année devraient permettre de (re)cadrer le contexte législatif français en fonction de l’évolution des progrès médicaux ainsi que des changements éventuels de l’autre côté de frontières.   

En attendant, l’heure n’est pas à la diabolisation des grossesses tardives mais plutôt à la sensibilisation des risques pris et des difficultés. Aux hommes et aux femmes de prendre conscience « qu’un bébé quand je veux » n’est toujours pas possible, malgré l’ardeur du désir de chacun et la prouesse des techniques médicales.

Pour aller plus loin : l’AMP en chiffres

L’assistance médicale à la procréation répond au projet parental d’un couple. Elle est légalement encadrée et répond à la définition suivante (selon l’article L.2141-1 du code de la santé publique) : pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro (c’est-à-dire en dehors de l’organisme), le transfert d’embryons et l’insémination artificielle ainsi que toute technique d’effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel. En 2006, l’agence de la biomédecine* a recensé : 

– 54 179 inséminations artificielles
– 65 413 cycles de fécondation in vitro (FIV, ICSI et TEC)
– 9,5 % des inséminations artificielles sont réalisés avec les gamètes d’un donneur
– 3 % des fécondations in vitro (FIV, ICSI et TEC) sont réalisées avec les gamètes d’un donneur
– 20 042 enfants sont nés de l’AMP
– 1 228 ont été conçus avec un don de gamètes.

* www.procreationmedicale.fr

A voir aussi :
– Tous les sujets fertilité

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