Vers un statut officiel des beaux-parents

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Il y a deux ans, Dominique Versini, Défenseure des enfants, présentait son projet de création d’un statut des tiers et notamment des beaux-parents. Un projet actuellement à l’étude à l’Assemblée nationale qui devrait légiférer sans tarder. Il s’agit de donner une légitimité à ceux qui partagent la vie d’un enfant et ont des liens affectifs forts avec lui, de reconnaître les nouvelles formes de parentalité qui se limitent de moins en moins aux seuls liens du sang. Sur quels critères, dans quelles limites ? Suivez le guide !

La famille recomposée gagne du terrain

En France, le nombre d’enfants vivant en familles recomposées a augmenté de 11% en 10 ans, ce qui porte à 1,7 millions leur nombre, peut-être sous-estimé puisque ce chiffre ne tient pas compte, par exemple, des cas d’enfants vivant officiellement seuls avec leur mère mais se rendant régulièrement chez leur père où ils cohabitent alors avec une belle-mère. Au chapitre des nouveaux schémas familiaux s’ajoutent aussi environ 30 000 enfants vivant en familles homoparentales et 64 000 enfants placés en familles d’accueil. Cette évolution des mœurs amène à constater que la parenté, qui désigne le lien unissant les personnes par le sang, est talonnée de près par la notion de parentalité qui, sans être jusque-là une notion juridique, désigne une fonction exercée de fait par un adulte auprès d’un enfant à travers un rôle parental et/ou éducatif.

Pourquoi donner un statut aux beaux-parents ?

Les beaux-parents n’ont pas de reconnaissance officielle aux yeux de la loi, même si le code civil en prévoit la possibilité, au travers d’une procédure fastidieuse à laquelle on fait rarement appel. Et puisque ces « quasi-parents » sont de fait impliqués dans la vie de leurs beaux-enfants quand tout se passe bien dans la famille recomposée (les emmener à l’école, les aider dans leurs devoirs, les emmener en vacances, etc.), pourquoi faudrait-il leur donner un statut officiel ? Tout simplement parce qu’encore aujourd’hui, un parent biologique peut se retourner juridiquement contre un beau-parent si son enfant, emmené à l’école par ce dernier, a par malheur un accident sur le trajet. Tout simplement aussi parce que, en cas de rupture d’une famille recomposée avec un beau-parent et des quasi-frères et sœurs auxquels un enfant était attaché, il ne reste plus rien, aucun recours pour l’enfant, pour continuer à voir ces tiers qui ont pourtant beaucoup compté dans sa vie.

Un projet à l’étude à l’Assemblée nationale

Dominique Versini, Défenseure des enfants, souhaite élargir la loi du 4 mars 2002 qui a timidement esquissé le droit de l’enfant à avoir des relations avec des tiers. Elle a été entendue puisque qu’une loi en ce sens devrait voir le jour dans les mois qui viennent. Mais les parents biologiques, notamment les pères qui, pour 80% d’entre eux, ne vivent pas au quotidien avec leurs enfants, ne risquent-ils pas de se sentir un peu plus dépossédés par une telle reconnaissance des tiers ? Non, répond le projet de Dominique Versini, qui prévoit pour tous les actes importants de la vie de l’enfant l’accord obligatoire des deux parents pour laisser le tiers prendre telle ou telle responsabilité. Le tout très défini dans les termes, le temps et la manière.

Le Mandat d’Education

Première proposition de la Défenseure des enfants, le « mandat d’éducation » permettrait aux père et mère ou à l’un d’eux, de donner mandat à un tiers pour accomplir tel ou tel acte usuel (accompagner l’enfant à l’école par exemple) ou grave (l’emmener en vacances à l’étranger, décider d’actes médicaux pour lui…). Tout ce qui relève de l’acte grave nécessiterait l’accord des deux parents lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale. Ce mandat se ferait par simple convention (sans passer par le greffe du tribunal d’instance) et pourrait prendre fin par la volonté du mandant ou du mandataire, en cas de nouvelles circonstances le rendant inutile, de désaccord ou d’impossibilité à l’exercer.

La convention de partage de l’exercice de l’autorité parentale avec un tiers

Dans certaines situations, les parents ou l’un d’eux peuvent avoir besoin qu’un tiers (beau-parent, grand-parent) contribue de façon plus durable et active à l’éducation d’un enfant. La proposition de convention de partage de l’exercice de l’autorité parentale permettrait de disposer d’un instrument souple soumis à une simple homologation du Juge aux Affaires Familiales alors que jusqu’à aujourd’hui, cette délégation fait l’objet d’un jugement et que, le plus souvent, elle contraint le parent à renoncer à son autorité parentale lorsqu’il la délègue. Il s’agit donc d’introduire une possibilité tout à fait innovante dans laquelle un parent peut partager son autorité parentale tout en continuant à l’exercer, dans un esprit de coopération avec le tiers, afin de répondre aux besoins de l’enfant.

Autres propositions

Toute une série de mesures et d’aménagements de la loi sont ainsi proposés par la Défenseure des enfants, dont le droit pour l’enfant d’entretenir des relations avec un tiers qui a beaucoup compté dans sa vie (par exemple un beau-parent et ses quasi frères et sœurs* en cas de rupture du couple recomposé). De même, l’enfant ne serait plus systématiquement confié à ses grands-parents par le juge de tutelle en cas de décès de ses deux parents comme c’est le cas aujourd’hui. Il pourrait, par exemple, être confié à un beau-parent, une tante ou un autre tiers dont il serait éventuellement plus proche. Plus globalement, ces propositions vont dans le sens d’un assouplissement des procédures pour s’adapter au développement de nouveaux modes de vie. Reste à savoir, d’une part, si la machine judiciaire saurait en faire bon usage et d’autre part si l’intérêt supérieur de l’enfant dont on parle tant pourra un jour surpasser les ressentiments des parents séparés contre lesquels la loi ne peut rien.

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