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Ecole : La mixité est-elle en danger?

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Le parlement a voté le 15 mai 2008, dans le cadre d’une loi « de lutte contre les discriminations » un alinéa qui installe la possibilité d’organiser un enseignement séparé des filles et des garçons à l’école. Les uns y voient une grave remise en question du chemin parcouru vers l’égalité filles-garçons, d’autres une occasion de se demander si la mixité obligatoire à l’école publique instaurée en 1975 par la loi Haby est toujours adaptée à l’école – et à la société – d’aujourd’hui.

« Cette séparation est un non-sens éducatif. C’est par la co-présence des deux sexes que les jeunes font l’expérience de l’altérité pour apprendre ensemble, se respecter et faire l’expérience de l’égalité. L’école est le lieu où peut être garantie cette éducation afin de faire reculer la violence et le sexisme et d’œuvrer à la lutte contre les stéréotypes, vecteurs d’inégalité.

Cette décision remet gravement en cause l’organisation de notre système éducatif » s’insurge la FSU, premier syndicat enseignant, en réponse à l’adoption pour le moins controversée de l’alinéa qui fait tâche. Et au-delà du fond, c’est aussi la forme qui pose problème et qui donne des raisons de s’alarmer aux enseignants mais aussi aux parents d’élèves qui parlent de « lobbying communautariste des écoles privées progressistes et religieuses » ou à la Ligue des Droits de l’Homme qui estime que « toute séparation renforce le sexisme ».

Car cette disposition a été prise dans un contexte particulier, dans le cadre de la transposition de cinq directives européennes. Valérie Létard, alors secrétaire d’Etat chargée de la Solidarité, a expliqué que la Commission Européenne laissait peu de « marge de manœuvre » pour ces transpositions en droit français, rejetant par-là même la responsabilité sur Bruxelles… Faux répondent les détracteurs de cet alinéa qui rappellent qu’aucune des directives européennes de ce texte ne touchait à l’enseignement qui reste une compétence purement nationale.

Vitesse et précipitation?

Alors, de là à estimer que le gouvernement est passé en force parce qu’il est pétri de mauvaises intentions rétrogrades, il n’y a qu’un pas. Fin mai 2008, lors des questions d’actualité à l’Assemblée nationale, Xavier Darcos, ministre de l’Education nationale, avait assuré qu’il n’était pas question de remettre en cause la mixité scolaire avant d’ajouter qu’il pouvait s’avérer utile de séparer filles et garçons dans certaines circonstances exceptionnelles car des professeurs et élèves eux-mêmes « souhaitent que ces séparations puissent exister, à la piscine ou dans certains établissements ». Toujours est-il que le droit permet aujourd’hui, puisque la séparation a désormais valeur légale, de l’étendre à l’infini.

C’est la grande peur de la FSU, qui demandait le retrait de cet alinéa « irrecevable », et de fervents défenseurs de la mixité pourtant favorables à des séparations exceptionnelles tels Michel Fize, fustigé lors de la parution en 2003 de son ouvrage Les pièges de la mixité scolaire et aujourd’hui choqué de cette disposition. Une affaire à suivre – et notamment avec les décrets d’application qui parfois tempèrent les choses – pour savoir si la mixité sortira vainqueur ou pas de ce débat décidément récurrent !

Remise en cause de la mixité scolaire : les pour et les contres

Pour la mixité scolaire   

Contre la miµxité scolaire

Les défenseurs – nombreux – de la mixité scolaire, ne manquent pas d’arguments pour défendre le principe de la vie commune des filles et des garçons à l’école. Parmi ces arguments, le fait que la mixité permette de vivre ensemble et donc d’apprendre à se respecter. La mixité scolaire serait garante d’une société qui met les femmes sur un pied d’égalité avec les hommes, armant les filles pour plus tard et leur permettant de prétendre au même avenir que les garçons. La séparation ferait courir un risque d’enseignements différents et donc d’un retour à la ségrégation. Elle remettrait fondamentalement en cause le principe de laïcité en ouvrant la porte à tous les intégrismes religieux possibles.  

Ceux qui défendent la séparation des garçons et des filles sur les bancs de l’école, totale ou dans certains cas extrêmes, souligne que la séparation protègerait les filles de la montée de la violence et des agressions sexuelles des adolescentes dans certains établissements. Ils avancent aussi des arguments pédagogiques : la supériorité scolaire des filles favoriserait l’échec croissant des garçons et, dans le même temps, malgré leur « supériorité », les souffriraient d’un complexe d’infériorité et auraient tendance à s’exclure d’elles-mêmes des filières dites « masculines », c’est-à-dire scientifiques. Certains soulignent aussi que les filles et les garçons n’apprennent pas de la même manière. La séparation avec des pédagogies différentes garantirait l’égalité des chances entre les deux sexes. Enfin, des études montrent que certains professeurs favorisent inconsciemment les garçons en les notant avec plus d’indulgence et en les interrogeant moins sur le « par cœur ».

Michel Fize défend la mixité scolaire

En 2003, le sociologue Michel Fize publiait aux Presses de la Renaissance un livre baptisé Les pièges de la mixité scolaire. Cet ouvrage et l’enquête dont il était le fruit firent scandale à l’époque parce qu’ils osaient poser la question de la mixité comme système unique, absolu, indiscutable. Ce fervent partisan de la mixité alors incompris reprend la parole pour une clarification sans bavure.

Coté Mômes : Comment expliquez-vous avec 5 ans de recul que votre ouvrage ait provoqué des réactions si extrêmes ?

Michel Fize : Quand j’ai fait cette étude, c’était dans la perspective de faire une évaluation. Je n’ai pas étudié le système de séparation ! Moi, ce dont je peux parler, c’est de la mixité ! Ce que j’ai dit exactement – et j’ai relu le livre une bonne dizaine de fois pour être sûr que je n’avais pas écrit toutes les bêtises qu’on m’avait prêtées – c’est que la mixité ne supprimait pas tous les pièges de l’intolérance, de la violence, de l’irrespect.

 C’est en cela qu’il fallait comprendre le mot piège mais tout le monde a pensé que ce livre était un réquisitoire contre la mixité. Le fait que le débat resurgisse, ça peut être l’occasion de se replonger dans un livre nuancé, un livre d’interrogations et certainement pas de condamnation. En revanche, au regard de la mesure législative faite voter par monsieur Darcos, il me semble que les réactions sont pour le moins timides.

CM : Vous aviez tout de même évoqué des situations où la séparation paraissait souhaitable…

MF : Il y a déjà séparation de fait ! J’ai rappelé que dans les cours d’éducation physique et dans certains cours d’information et d’éducation sexuelle, il y a des temps de séparation et qu’il y a de bonnes raisons pour cela. Il y a également un cas que j’avais placé sous le nom de principe de précaution où on pourrait envisager de séparer momentanément les garçon et les filles : le cas de violences d’un particulière gravité pour lesquels il n’y aurait pas d’autre moyen pour protéger des jeunes filles de manière à assurer leur intégrité physique et pour le coup qu’elles puissent mener leurs études correctement. Ce n’est pas parce que le principe général est celui de la mixité – qui fonctionne bien globalement – et l’exception la séparation qu’on doit tomber à bras raccourcis sur la séparation qui peut, exceptionnellement et dans certaines conditions je le répète, produire de bons résultats. En tant que citoyen, je suis bien évidemment favorable à la mixité. Mais pour qu’un système soit bon, il faut qu’il fasse ses preuves sur le terrain. Et parfois, il y a des souffrances que l’on pourrait éviter.

CM : Mais l’évitement ne serait-il pas un retour en arrière ?

MF : Les idéologues à l’époque me disaient « mais non, il faut leur apprendre à vivre ensemble afin qu’ils ne soient pas violents les uns avec les autres ». Ce à quoi je répondais « oui mais en attendant qu’ils se respectent, il peut y avoir un certain nombre de dégâts. Donc, une petite séparation momentanée – et là je rajouterai avec l’accord des intéressés – serait envisageable ». J’avais dit en concluant mon bouquin : ne nous trompons pas d’objectif. L’objectif, c’est de réaliser l’égalité des chances entre les filles et les garçons. La mixité n’est pas au même rang.

C’est un outil. On l’a choisi en 1975, faisons-le fonctionner différemment. Il y a une chose sur laquelle je voudrais insister et qui rejoint Claude Allègre quand il parlait de démocratie à l’école : je dis oui à la séparation si les élèves le désirent. Dans mon esprit, le dernier mot doit leur appartenir. Et puis je crois qu’on est en train, à partir de vrais problèmes, de sortir le mauvais instrument. Le problème aujourd’hui, c’est la gestion du groupe classe. Ce n’est pas le fait qu’il y ait des filles et des garçons qui pose un problème de gestion, c’est que les rapports sont complètement bouleversés.

Il y a surtout un constat d’inadéquation de cette école qui n’a finalement pas beaucoup changé avec la société telle qu’elle se présente aujourd’hui. La mixité, c’est un peu le cache-misère de tous les grands problèmes de l’école aujourd’hui : des pédagogies inadaptées, des programmes inadaptés, des relations professeurs-élèves à revoir.

CM : Que vous inspire la nouvelle disposition législative qui ouvre la porte à la remise en cause de la mixité ?

MF : Pour le coup, pour ceux qui sont attachés à la mixité et dont je fais partie, cette disposition législative est gravissime. C’est en fait une annulation déguisée de la mixité scolaire. On pourra retourner les choses comme on veut, le fait est là. Si demain matin on n’avait que des classes séparées, personne ne pourrait rien y redire légitimement.

Je trouve assez fantastique de la part d’un ministre d’avoir présenté une mesure comme ça sans être capable de présenter un argumentaire. Et pourquoi les féministes si virulentes il y a 5 ans ne parlent-elles pas ? Pour ma part, je vais prendre la plume très prochainement pour remonter au créneau parce que je trouve que là, la mixité est réellement en danger.

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