Les pédiatres dans l’impasse?

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Bien que rendue glamour par le très séduisant docteur Ross (joué par George Clooney, What Else ?) dans Urgences, la (vraie) vie de pédiatre n’est pas rose tous les jours. En effet entre le déficit de pédiatres, la dévalorisation de la spécialité, le manque de moyens et les journées à rallonge, les pédiatres crient leur ras le bol…

Pédiatrie française: état des lieux

La pédiatrie est une spécialité difficile qui nécessite 10 ans d’études. Sa spécificité est de se consacrer aux enfants, de leur naissance à leurs 16 ans. Elle couvre deux grands domaines : la pédiatrie hospitalière (en hôpital) et la pédiatrie libérale (en cabinet privé). Si la pédiatrie hospitalière connait peu de problèmes, la pédiatrie libérale française, elle, se trouve dans une situation alarmante.

Aujourd’hui, 53% des pédiatres ont plus de 51 ans, c’est donc une profession vieillissante et « en voie de disparition ». La France n’est pas la seule dans ce cas puisqu’en Grande-Bretagne, les pédiatres libéraux ont totalement disparu, remplacés par les généralistes.

Le Syndicat National des Pédiatres Français (SNPF) fondé après la 2e Guerre Mondiale pour s’occuper de la situation des pédiatres français, se consacre aux professionnels de la pédiatrie libérale. Leur dernière réunion du 29 août souligne l’urgence d’un plan d’action ambitieux pour sauver la profession avec plusieurs revendications.

Davantage de moyens financiers

Le premier problème pointé du doigt par les pédiatres est le manque de moyens financiers. La faiblesse des salaires, notamment par rapport aux autres médecins, révolte la pédiatrie : c’est la spécialité à la formation la plus longue et pourtant les revenus du pédiatre sont environ 9% en dessous du revenu moyen des médecins généralistes. En outre, le coût de l’équipement est élevé : la pédiatrie libérale nécessite la possession d’un cabinet et d’une équipe (secrétaire, etc).

« Ce matin je suis allée dans une crèche pour laquelle je travaille, j’emploie une secrétaire pour rester au cabinet durant mon absence, mais ce que je dépense pour la rémunérer est d’être remboursé par le salaire que je touche à la crèche. » témoigne le Docteur Rubel, président du SNPF, « le bénévolat a des limites ! »

 

Revaloriser la pédiatrie

Ensuite, il y a la dévalorisation de la profession. Le pédiatre est entre le spécialiste qui ne le considère pas comme l’un des siens et le généraliste qui est plutôt à voir comme un concurrent face à qui il est de plus en plus considérée comme inutile.

En effet, les enfants sont souvent vus par un généraliste ET par un pédiatre. « La couverture mixte est une spécialité française ». Au total beaucoup d’enfants sont plus suivis par le médecin généraliste de la famille que par le pédiatre. Une consultation avec un pédiatre à la naissance de l’enfant est obligatoire, « Dans les premières mois plus de 50% des enfants sont suivis par un pédiatre, surtout avant le neuvième mois » mais les familles se tournent ensuite vers le médecin de famille, bien avant les 16 ans de l’enfant. Les pédiatres libéraux souhaiteraient la mise en place d’une obligation de consulter exclusivement un pédiatre jusqu’à l’âge de 16 ans comme c’est le cas en Slovaquie et en Slovénie. «Dans beaucoup de pays européens l’examen pédiatrique est prépondérant, cela découle d’un choix politique.»

Une crise démographique à enrayer

Ces deux problèmes en refroidissant plus d’un provoque une réelle crise démographique au sein de la pédiatrie libérale française. A ce jour, le SNPF veut en priorité une augmentation du recrutement d’internes. Actuellement, on observe une hausse mais c’est encore très insuffisant : « Tous les 6 mois nous avons un communiqué concernant le nombre de nouveaux pédiatres : il y en avait 140, puis 180, puis 210, cette année et pour les 5 prochaines années, 274 postes sont prévus ; il y a donc un progrès mais ce nouvel effectif est loin de couvrir tous les besoins, on en est même très loin, ce n’est pas du tout suffisant » indique Francis Rubel avant de poursuivre : « j’en suis profondément attristé parce que personnellement je considère que le pédiatre est aussi « le défenseur de l’enfant », c’est le pilote de santé de son dossier médical mais c’est aussi la personne qui est là pour le défendre tous azimuts ; Or comme on n’est pas nombreux, on ne peut pas être partout, on ne peut plus être dans les crèches par exemple, ni dans les PMI, ou dans la médecine scolaire.»

Pour combler le manque, le recrutement parmi les étrangers est très important ainsi que la titularisation de généralistes qui n’ont pas une réelle formation de pédiatre, au total ce sont plus de 100 pédiatres par an recrutés hors concours français. Aujourd’hui, il faut au minimum 300 postes par an pour remplacer tous les départs à la retraite. De plus, les pédiatres se voient dans l’obligation de travailler beaucoup plus, ce qui les amène à des semaines de 53h de travail et à reculer leur retraite… Ce qui affaiblit la vocation des étudiants… et transforme la situation en un cercle vicieux.

Les solutions à apporter

Il faut aller aux sources pour résoudre le problème de cette crise démographique: donner envie aux étudiants en médecine, augmenter le nombre d’internes en formation, d’autant plus que les futurs pédiatres sont affectés en priorité au milieu hospitalier. Il y a un problème de recrutement qui est du ressort de l’organisation des études de médecine, un numerosus closus trop sévère.

Mais la principale cause du déficit de pédiatres réside dans le fait que la profession n’est pas assez attractive, peu d’étudiants s’y destinent. Pour donner plus envie aux futurs médecins, il faudrait en premier lieu résoudre les problèmes financiers: «Il faut que ces jeunes puissent savoir qu’ils vont avoir une rémunération correcte mais surtout qu’ils vont avoir les moyens suffisants pour avoir une équipe médicale digne de la profession qu’ils vont exercer. » Mais il faudrait également donner aux jeunes la possibilité de découvrir ce métier en instaurant des stages : « Nous sommes très demandeurs du stage en pédiatrie libérale pour que les internes en formation puisse venir pratiquer pendant une période de 6 mois dans un cabinet libéral et découvrir le monde de la pédiatrie et du libéral. ». Le docteur confie que le projet semble plutôt être en bonne voie puisque les stages en médecine généraliste libérale viennent d’être permis.

Malheureusement ce combat s’annonce long et ardu puisqu’en juin 2009, le lancement d’une pétition ayant recueilli de très nombreuses signatures n’a eu aucun effet sur leur situation. « La santé des enfants ne semblent pas être la priorité actuelle car il n’y a pas eu d’efforts. Mme Bachelot n’a pas été très à l’écoute. » La situation est donc bien préoccupante.

Merci au docteur Francis Rubel, docteur en pédiatrie et président du Syndicat National des Pédiatres Français pour son témoignage.

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