Catastrophes naturelles, conflits, faits divers, politique… Pas facile d’aborder les sujets qui font l’actualité avec son enfant. Pourtant, ce serait dommage de faire l’impasse : Même au plus jeune âge, on a besoin de savoir ce qui se passe dans le monde qui nous entoure pour en comprendre les enjeux. Suivez le guide pour découvrir les conseils de nos experts et les témoignages de parents.
Lucie, 34 ans
« Quand mon fils de 8 ans m’a demandé de lui expliquer ce qu’il se passait à Toulouse au mois de mars, j’ai d’abord un peu paniqué. C’est un évènement tragique, de surcroît parce que les victimes étaient des enfants… Ca me semblait compliqué à expliquer simplement et surtout, sans lui faire peur. J’ai d’abord essayé de lui faire dire ce qu’il savait de cette histoire. A la maison, on n’a pas la télé ; il avait regardé le JT chez un copain chez qui il était allé dormir et était tombé sur des images qu’il n’avait pas comprises. En plus, il a demandé à son copain s’il savait de quoi il s’agissait et il lui avait dit que c’était un tueur d’enfants qui sévissait dans les écoles… La cata. J’ai pris le temps de lui expliquer cette histoire avec des mots simples, mais sans le prendre pour un imbécile. Surtout, je lui ai dit de ne pas hésiter à nous demander la prochaine fois ! »
Slimane, 38 ans
« A 20h, chez nous, ce n’est pas l’heure du JT mais l’heure du dîner en famille, pendant lequel ma femme et moi n’hésitons pas à lancer des débats sur l’actu avec nos deux filles de 7 et 11 ans. C’est toujours intéressant de leur parler des réformes de l’Education Nationale par exemple, et d’entendre leur avis sur la question ! Récemment, le grand débat a eu lieu autour d’un plat de lasagne sur les rythmes scolaires : Passionnant pour tout le monde ! On parle aussi politique, environnement… Résultat, quand elle sera grande, notre aînée veut être présidente. »
Marina, 32 ans
« Il y a quelques temps, notre fille de 7 ans nous a demandé, l’air grave : C’est quoi la différence entre la droite et la gauche ? Pas facile de lui expliquer cela sans que notre point de vue transpire… Résultat, on s’est renvoyé la balle pendant cinq très longues minutes, et elle est repartie moyennement convaincue. Le lendemain, je suis passée à la librairie et j’ai trouvé un super livre qui explique la politique aux enfants : La politique (chez Gallimard Jeunesse, par Alexia Delrieu et Sophie de Menthon, ndlr. On recommande !). On l’a lu tous les trois et on s’est dit qu’on n’aurait jamais pu s’en sortir sans ce bouquin ! C’est une vraie perle. »
Ne pas cacher les images de catastrophes
Comment l’enfant pourrait il imaginer« le tsunami » dont il entend parler partout s’il n’en a pas vu des images ? Il est très difficile de se représenter des événements qu’on n’a pas vécus soi-même, et pour pouvoir commencer à les penser, il faut d’abord en avoir des représentations. Mais il faut bien sûr veiller à ce que l’enfant ne soit pas confronté à ces images contre sa volonté.
Et ensuite, comment en parler ?
D’abord en précisant que certaines images vues plusieurs jours de suite concernent un seul événement. Après le 11 septembre 2001, certains enfants pensaient que des avions frappaient des tours tous les jours parce que les mêmes images repassaient en boucle. Il faut donc contextualiser ces images, c’est-à-dire préciser à chaque fois à quel endroit et à quel moment l’événement a eu lieu. En montrant par exemple un globe terrestre pour situer le Japon, et rappeler à l’enfant un événement survenu dans sa vie personnelle les jours précédents pour dater l’événement.
Insister sur la solidarité
N’oublions pas non plus que l’enfant, comme l’adulte, a besoin de se rassurer en pensant que si une telle catastrophe arrivait, il n’y serait pas seul. C’est pourquoi il est si important d’insister sur la solidarité : de nombreuses images de la situation japonaise permettent d’en parler.
Lui donner la parole
Le plus important est de donner la parole à l’enfant. Lui demander ce qu’il a compris et ce qui l’a impressionné est souvent la meilleure façon de lui permettre de prendre du recul. Et sa réponse éclaire en retour sur son monde intérieur. L’enfant ne demande pas à être rassuré sur ce qui inquiète l’adulte, mais sur ce qui l’inquiète lui, et c’est seulement par l’échange qu’on peut le savoir. Un enfant peut ainsi se révéler d’abord préoccupé de savoir si les enfants qui ont quitté leur maison ont eu le temps d’emporter leur peluche…
Evoquer la mémoire familiale
Enfin, les adultes doivent utiliser ces images pour commencer à parler d’autres catastrophes, différentes, qui pourraient également arriver en France, et aussi des catastrophes du passé. Des parents qui vivent dans une région où il y a eu une tempête ou une inondation grave peuvent profiter de l’occasion du séisme japonais pour l’évoquer.
Etre parent, c’est parfois devoir fabriquer de jolies histoires sur des choses terribles pour renforcer la sécurité psychique de l’enfant. C’est ce qui lui permettra plus tard de faire face aux catastrophes éventuelles avec le meilleur état d’esprit possible, c’est-à-dire en se faisant confiance à lui-même et en faisant confiance aux autres.
L’actu pullule sur internet, mais pour les enfants, il n’y a pas grand chose. Difficile donc pour eux de trouver des informations décryptées pour eux, et pour les parents de trouver des outils pour lancer la discussion. Heureusement qu’il y a 1jour1actu.com ! Ce site internet dédié aux enfants et aux instituteurs est une mine d’or : chaque jour, une actualité est abordée grâce à une image, un article explicatif et un mot nouveau. En bonus, on y trouve aussi des quizz et des outils pour les professeurs. Un allié de taille pour aider les parents à parler d’actualité à leurs enfants. Entretien avec sa créatrice, la journaliste Bénédicte Boucays.
Comment est né 1jour 1actu ?
Le site a été lancé il y a deux ans par Milan, qui voulait entrer dans les écoles. On s’est rendus compte que si l’actualité n’est pas relayée par un parent ou un prof, elle n’a sa place pour les enfants que sur TF1 ou BFM. Ca n’était pas suffisant, et surtout, pas adapté.
Vous adressez-vous aux enfants ou plutôt aux professeurs ?
On s’adresse aux enfants – on emploie le « tu », mais on produit aussi des outils pour les enseignants. 90% de notre public est enseignant, les 10% restants sont des enfants et des parents. On aimerait que plus de parents connaissent le site, pour que l’actualité se débatte à table !
Quelle est votre recette pour décortiquer l’info et la rendre accessible aux 7/13 ans ?
D’abord, on donne beaucoup d’importance au ton, que l’on veut didactique. Et plutôt que de se demander ce qui va plaire aux enfants, on préfère se demander ce qui peut leur apporter quelque chose.
Y a-t-il de sujets que vous décidez ne de pas traiter ?
Tous les sujets sont intéressants. Aujourd’hui par exemple, on parle du sexisme à l’école, parce que ça concerne les élèves et les enseignants. Par contre, on ne parle des faits divers qu’à condition qu’ils deviennent des faits de société, comme c’était le cas pour l’affaire Merah. Notre crédo : quand ça touche tout le monde, on peut en parler.
Quels conseils donneriez-vous aux parents qui ne savent pas comment appréhender la question ?
Quand mon fils me demande quelque chose je contextualise (Où ? Qui ?) et j’essaye de ne pas rester dans le factuel. Si ils parlent d’actu, c’est qu’ils ont des questions. Il faut les entendre ! Je pense qu’il ne faut pas donner son point de vue tout de suite.
Comment parle-t-on d’actualité à l’école ? Le point avec Vanessa Lévêque, professeure des écoles à Paris, auprès d’une classe de CE2.
Quelle importance donnez-vous à l’actualité dans vos cours ?
Je ne commente pas régulièrement l’actualité avec mes élèves. Cela se fait au coup par coup. Par exemple, l’an dernier, nous avons régulièrement discuté des élections avec mes CM2. L’affaire Merah avait aussi soulevé beaucoup d’angoisse de la part de mes élèves, et nous en avions discuté en classe. L’actualité est aussi abordée en classe par des biais indirects. Un texte littéraire se passant en Tunisie avait été ainsi l’occasion de parler un peu du printemps arabe.
Utilisez-vous des outils pédagogiques particuliers ?
Pas d’outils en particulier. Ce sont surtout des discussions orales, partant de ce que les enfants ont entendu. Ils ont souvent des bribes d’informations, que nous remettons au clair. Il m’arrive quelque fois de récupérer un document, un texte documentaire abordant certaines notions nécessaires pour comprendre le fait d’actualité, mais ce n’est pas systématique.
Considérez-vous qu’il soit important pour les enfants de connaître et comprendre l’actualité ?
Cela dépend quelle actualité, tout n’est pas de leur âge. Ceci dit, beaucoup d’enfants entendent les JT le soir, mais on ne leur explique pas souvent ce qu’ils entendent. Dans ce cas, je prends le temps de répondre à leurs questions, pour éviter qu’ils assimilent des faits déformés.
Comment répondez-vous à un enfant qui vous questionne sur un sujet d’actualité, comme un conflit ou un fait divers ?
Si le sujet est susceptible d’intéresser la classe, qu’il a un rapport avec quelque chose vu en classe ou au programme, nous interrompons les cours pour en parler. Il m’est arrivé une fois de reporter la discussion le temps de me documenter sur ce qui intéressait mon élève, histoire de ne pas raconter n’importe quoi.
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