Etre la mère d’un enfant juste le temps de la grossesse et de l’accouchement : une pratique interdite en France mais parfaitement légale dans bien d’autres pays. En octobre dernier, une décision de justice a reconnu la qualité de parents à un couple ayant pratiqué la gestation pour autrui aux Etats-Unis… Une première et un espoir pour les candidats à la GPA qui attendent aussi beaucoup de la révision des lois de bioéthique de 2009. Le point sur un sujet encore tabou.
Gestation pour autrui ou mère porteuse ?
On ne dit plus mère porteuse, l’expression étant jugée discriminante, on parle désormais de gestatrice, de gestation pour autrui (GPA) ou de maternité de substitution. En clair, il s’agit de faire porter son enfant par une autre parce que l’on n’est pas en mesure de le faire soi-même pour cause d’infertilité irréversible. Et si cette pratique a toujours existé clandestinement, souvent dans le cercle familial, elle est légalement interdite en France.
La bioéthique en question
Les lois de bioéthique du 29 juillet 1994 précisent en effet que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». Le recours au « prêt du ventre » se heurte encore pour l’heure à deux principes légaux : l’indisponibilité du corps humain qui ne peut être ni vendu, ni cédé, même en cas de gratuité et l’indisponibilité de la filiation juridique, adossée à la filiation biologique. En clair, aux yeux de la loi, on ne peut être les parents que d’un enfant que l’on a soi-même porté et mis au monde… Ce qui n’est pas sans soulever des contradictions car si ces deux principes étaient systématiquement appliqués, ils s’appliqueraient aussi à l’adoption et pourquoi pas au don d’organe. C’est ce que souligne l’association Maia – voir encadré – créée en 2000, qui soutient les couples infertiles en général et les candidats à la GPA – que l’on appelle aussi les « parents d’intention » – en particulier.
La récente révision des lois de bioéthique maintient l’interdiction des mères porteuses.
Un processus clandestin
Selon cette association, chaque année, 300 à 400 familles françaises ont recours à une gestation pour autrui et sont contraints de se lancer dans ce que certains appellent non sans amère ironie le « tourisme procréatif ». Ils s’expatrient vers des pays où la législation autorise les mères porteuses tels la Grande-Bretagne ou la Grèce. Mais à leur retour, ils ne parviennent pas à faire reconnaître l’acte de naissance délivré par ces pays comme ce fut le cas pour un couple qui eut des jumelles nées des ovocytes (cellules reproductrices) de la mère et du sperme de son compagnon mais portées par une américaine et nées en Californie. Des enfants qui existent bel et bien mais n’ont pas d’état civil, donc pas de filiation, une situation pour le moins rocambolesque qui n’est pas, on l’imagine aisément, sans poser de problèmes, y compris psychologiques.
D’espoirs en dérives
Comme tout ce qui touche à la vie même, la GPA entraîne des contradictions et les risques de dérives sont nombreux. C’est bien pourquoi certains préfèrent fermer les yeux pour faire « comme si » cette pratique n’existait pas tandis que d’autres s’échinent à rappeler que sans encadrement, la GPA pourrait devenir tout et n’importe quoi… et pourquoi pas un commerce comme un autre où les plus aisés pourront « s’offrir un ventre » si la future maman ne veut pas être déformée par la grossesse alors qu’elle est tout à fait apte physiquement à porter un enfant.
Et puis cette pratique n’est pas sans présenter le risque d’exploitation des femmes qui portent l’enfant et le risque, pour l’enfant lui-même, d’être perturbé en cas de mésentente entre les parents d’intention et la mère qui l’a porté. A l’heure où la procréation médicalement assistée progresse à pas de géants et où la famille prend de multiples visages, de nombreux experts sont favorables à une légalisation de la GPA… A condition qu’elle soit strictement encadrée, c’est-à-dire que l’on s’assure que les femmes qui portent les enfants aient déjà eu un ou deux enfants et qu’elles ne présentent aucun facteur de risque détectable, que les parents demandeurs le soient pour de bonnes raisons telles l’absence totale d’utérus ou des malformations graves.
Une adoption pas comme les autres
Et puis, et sans doute surtout, il faut veiller à ce que l’enfant lui-même n’acquière pas un statut de marchandise… Ce qui fut sévèrement signifié en 1989 à l’association Alma Mater dont l’objet consistait à rapprocher les couples demandeurs des femmes candidates à la maternité de substitution. Elle avait été déclarée illicite par la première chambre civile. En 1991, la Cour de cassation avait condamné un « détournement de l’institution de l’adoption » : un couple dont la femme était stérile, avait trouvé une femme qui acceptait de porter leur enfant. Elle fut inséminée avec le sperme du mari et accoucha sous x ; le père biologique reconnut son enfant et l’épouse stérile introduisit alors une requête à fin d’adoption plénière de l’enfant.
Le tribunal de grande instance de Paris a d’abord rejeté cette demande d’adoption puis la Cour d’appel a infirmé le jugement… avant que la Cour de cassation ne conclue, dans un arrêt de principe, en condamnant l’adoption dans ce cadre, c’est-à-dire comme « ultime phase d’un processus d’ensemble destiné à permettre à un couple l’accueil à son foyer d’un enfant conçu en exécution d’un contrat tendant à l’abandon à sa naissance par la mère ».
Rendez-vous en 2009
En octobre dernier, la Cour d’appel de Paris a accordé à un couple dont les jumelles étaient nées 7 ans plus tôt le statut de parents et donc permis l’établissement d’un état civil pour ces deux enfants. Une victoire arrachée de haute lutte et qui a un coût (trois tentatives de fécondation in vitro à 10 000 dollars l’une) pour ce couple dont la mère n’avait pas d’utérus. De retour en métropole, face au refus des autorités de les reconnaître officiellement parents de leur enfant, le couple avait été pris dans un imbroglio judiciaire, poursuivi pour « enlèvement d’enfant » et « adoption frauduleuse » avant d’avoir finalement, 6 ans plus tar
d, gain de cause. Leur cas fera-t-il jurisprudence ? Pas sûr. Il a au moins le mérite de donner espoir à tous les parents en attente de GPA et de soulever à nouveau la question de la nécessité ou pas d’une nouvelle législation. Vaut-il mieux interdire une pratique qui de toute façon perdurera et parfois dans des dérives folles ou l’encadrer strictement ? Les lois de bioéthique 2009 donneront le verdict pour les prochaines années.