Selon le code de la santé publique, la procréation médicalement assistée est « destinée à répondre à la demande parentale d’un couple», l’homme et la femme formant le couple devant « être vivants ». Ce code précise aussi que le décès d’un des membres du couple fait obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons. Le parlement n’ayant pas souhaité revenir sur ces principes lors de la révision de la loi de bioéthique, en 2004, les demandes de fécondation post-mortem sont depuis restées lettres mortes.
L’argument majeur des opposants à cette pratique est le refus de « faire naître un orphelin » qui sera dépourvu de filiation paternelle et de droits patrimoniaux. Mais la loi n’a pas toujours le dernier mot quand les rêves humains les plus fous, l’amour et les progrès de la technologie s’en mêlent.
Aujourd’hui, plusieurs veuves de soldats morts en Irak qui avaient déposé leur semence dans des banques de sperme avant de partir au front ont utilisé ce mode de procréation. En France, dans la récente affaire Justel, la demanderesse ne cachait d’ailleurs pas qu’elle envisageait, si elle récupérait le sperme de son mari, de faire procéder à une insémination à l’étranger. Son avocat, Maître Collard, pense que les mentalités doivent évoluer.
« Dans le cadre d’un couple qui s’aime, à partir du moment où il y a un vrai projet parental, je ne vois pas vraiment où serait l’insulte à la morale. Ce qui inquiète, en définitive, c’est le fait que la vie vient d’une manipulation scientifique basique et que le père, au moment où il donne la vie, est mort. C’est la vie qui surgit de la mort » confiait-il récemment sur France Info.
Les défenseurs de la fécondation post-mortem avancent la raison du cœur : si l’enfant était vraiment voulu par le défunt – les dépôts de sperme feraient foi – si la maman élève cet enfant dans la mémoire de son père, il sera sans doute aussi « bien » élevé, voire plus heureux que bien des enfants de couples vivants pour lesquels leurs parents n’ont pas de projet ou d’attention particulière. Et puis, pourquoi, si l’on refuse l’insémination post-mortem, ne pas faire avorter une femme enceinte dont le mari décède pendant la grossesse puisque cet enfant-là, non plus, ne connaîtra jamais son géniteur ? Des arguments faux ou peu acceptables pour certains spécialistes de l’enfance, qui tirent la sonnette d’alarme pour que l’on place l’enfant et son devenir – et pas le droit à l’enfant – au centre du débat.
Concernant la fécondation post mortem, sa position est sans ambiguïté. Premier argument : on ne peut pas comparer un décès qui survient dans le parcours de vie d’un père, avant, pendant ou peu après la naissance de son enfant, et la décision volontaire de faire naître un enfant conçu par un homme décédé. « La mort des parents est une hypothèse présente dans la vie psychique de l’enfant. L’hypothèse fertile serait abolie si le décès était déjà réalité et la vie psychique enfantine perturbée. Il n’est pas possible de devoir la vie à quelqu’un qui a accompli la sienne : la source paternelle est tarie. »
Evoquant l’affaire Justel, il donne des précisions : « L’épouse concernée avait perdu son propre père étant certes encore jeune, mais déjà en vie, donc la relation de don paternel à son égard engagée, même si tôt et cruellement rompue. Ce ne serait pas la même situation que connaîtrait un enfant né d’un défunt. Le désir partagé d’enfanter du couple demeure dans la mémoire de l’épouse, il n’est pas à cet égard douteux. Mais sa réalisation posthume pétrifierait la procréation. L’enfant ne serait pas la mémoire de l’union à la fois charnelle et affective de ses parents, il incarnerait la disparition de l’un d’eux. »
Vu sous cet angle, sombre destin en effet. Et de rajouter : « Qu’est-ce que la paternité ? C’est une implication, un engagement et donc une parole. A moins qu’on ne fasse parler les morts, aucun lien n’est possible ». La vie peut-elle naître de la mort ? Techniquement, oui. Humainement, voilà un beau sujet de philo sur lequel les experts de tous poils n’ont pas fini de plancher !
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