Isabelle Ablard-Dupin est enseignante et présidente de la Fédération des Ecoles Steiner-Waldorf. Des écoles dont la vocation est d’accueillir chaque enfant comme une personne unique, à son rythme.Côté Mômes : Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots ce que sont les écoles Steiner-Waldorf ?
Isabelle Ablard-Dupin : Notre projet pédagogique est le développement de chaque enfant dans l’harmonie, en phase avec ce qu’il est profondément et à son propre rythme, qu’il soit plutôt intellectuel, manuel ou artiste. L’essentiel est qu’il trouve son équilibre. Nos écoles sont ouvertes à tous, sans distinction, et nous sommes convaincus que l’amour, l’enthousiasme, en lieu et place de l’ambition, de la crainte et de la compétition dotent les enfants de la sérénité et de la force qui leur seront nécessaires pour avancer et réaliser leurs projets dans un monde incertain. L’art, par exemple, a une grande importance chez nous, pas seulement pour des questions esthétiques mais pour ce qu’il a de transformateur.
CM : Les devoirs de vacances sont-ils à vos yeux une bonne ou une mauvaise chose ?
IAD : C’est à la fois plus nuancé et plus global que cela. Clairement, je suis contre le fait que l’école soit un stress, y compris pendant les vacances. Nous vivons dans un monde de rentabilité à outrance où il n’y a plus de place pour l’oubli, le lâcher prise, où l’on ne laisse plus les enfants respirer, où l’on a peur de l’ennui. Qu’au moins pendant les vacances, on laisse tomber ce stress qu’on leur inflige à trop fortes doses.
CM : Les parents sont-ils en partie responsables de ce stress généralisé ?
IAD : Pas particulièrement, c’est la société toute entière. Il faut être bon à tout prix. Alors les parents croient bien faire. Il y a ceux qui font faire des devoirs de vacances à leurs enfants parce qu’ils ont des lacunes, auquel cas les enfants se retrouvent face à leurs difficultés alors que souffler ou apprendre autrement les aurait libérés de leurs blocages… Et puis il y a ceux dont les enfants ont d’excellents résultats mais qui leur font quand même faire des devoirs de vacances parce qu’il faut être encore meilleur… Vous savez, les cahiers de vacances sont une véritable industrie et, là comme dans bien d’autres domaines, on fait de l’argent en jouant sur la peur des gens. Or, plus on a peur, moins on y arrive.
CM : Est-ce à dire qu’il faut laisser les enfants tranquilles pendant toutes les vacances, au risque que la rentrée soit un peu brutale ?
IAD : Ne pas leur faire faire de devoirs de vacances au sens propre du terme ne veut pas dire, bien au contraire, les livrer à eux-mêmes. Les vacances sont justement l’occasion unique de les enrichir par le lien social, de faire des choses avec eux. La construction d’une cabane ou d’un château de sable par exemple, les rapproche des lois de la physique ; organiser un jeu de piste, faire un plan, c’est déjà de la géographie ; écrire une belle carte postale, c’est renouer avec la français… Rien qu’en se promenant, c’est fou ce que l’on peut leur apprendre. Et, leur intellect au repos, ils tireront le plus grand bénéfice de ces moments de plaisirs partagés. Et, encore une fois, un enfant est un tout. Si l’enfant lui-même est demandeur d’un soutien particulier, alors il faut lui donner mais jamais dans la contrainte.
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