Psychiatre et psychothérapeute, Christophe André, déjà auteur de nombreux ouvrages à succès, vient chatouiller notre conscience avec son dernier-né, Les Etats d’âme, un apprentissage de la sérénité paru chez Odile Jacob. Un ouvrage complice et efficace où trouver des clés pour aller mieux et par la même occasion aider nos enfants à bien grandir !
Premiers états d’âme : quand la parole met la conscience au monde
Côté Mômes : Qu’est-ce qu’un état d’âme et pourquoi s’y intéresser ?
Christophe André : Les états d’âme, ce ne sont pas les grosses émotions qui nous submergent, les grandes joies, les grandes tristesses ou les grandes colères mais plutôt le sillage de ces émotions ou ce qui se passe avant elles éventuellement. Comment ils naissent en chacun de nous, comment nous les recevons, ce que nous en faisons, tout cela est infiniment intéressant car notre façon de les recevoir peut nous apporter un réel mieux être… ou mal être !
CM : A quel âge les premiers états d’âme apparaissent-ils ?
CA : Les bébés n’ont probablement pas d’états d’âme puisque pour qu’il y ait état d’âme, il faut disposer de deux compétences : la capacité à mettre des mots sur ce que l’on ressent et la capacité d’introspection, ce que l’on appelle la conscience réflexive, capacité à se prendre soi-même pour objet de réflexion. Ressentir des états d’âme sans pouvoir mettre des mots dessus, ça vient probablement entre 2 et 4 ans. On voit très bien des petits enfants avoir le cafard ou être tout joyeux. Après une grande joie, par exemple l’ouverture des cadeaux de Noël, toute la journée, l’enfant va chantonner ; on sent qu’il est doucement heureux, doucement content. C’est le début des états d’âme. Mais de façon générale, l’humain commence à avoir une claire conscience de ses états d’âme et à s’adonner à leur observation à la préadolescence pour les enfants les plus sensibles, à l’adolescence pour les autres.
Un enfant mélancolique n’est pas un enfant triste !
CM : Avoir une tendance aux états d’âme plutôt positifs ou plutôt négatifs est-il un peu génétique ?
CA : Il y a très clairement une transmission familiale de certains profils au niveau des émotions, des états d’âme, de la vision du monde. Sur quoi repose-t-elle ? D’après la plupart des données dont nous disposons, probablement sur un mélange entre l’influence génétique et l’influence éducative. Il y a clairement ce que l’on appelle des tempéraments, c’est-à-dire une prédisposition à être plus facilement ou plus durablement réjoui par des événements ou au contraire plus facilement inquiet ou triste. Mais ce ne sont que des prédispositions, pas un déterminisme qui nous condamne à être toujours inquiets, toujours tristes ou toujours heureux. C’est simplement un socle, ce qui représentera, une fois qu’on sera devenu adulte, notre pilote automatique, nos premiers réflexes. Et puis il y a évidemment le bain dans lequel on va grandir. Mais il est important de rappeler aux parents c’est que ce n’est pas parce que leur enfant est plutôt inquiet, plutôt mélancolique, qu’il est condamné à des maladies anxieuses ou à la dépression. Il a simplement des traits de personnalité avec lesquels il va devoir composer pour construire plus tard son équilibre d’adulte.
Offrez à vos enfants des temps d’inaction !
CM : Comment les parents peuvent-ils aider leur enfant à bien gérer ses états d’âme ?
CA : Le premier rôle que les parents ont à jouer se situe au niveau de l’accueil des états d’âme : il est très important, pour que l’enfant devienne un véritable humain avec une véritable intériorité, qu’il ait dans sa vie des moments de lenteur, d’inaction, voire d’ennui. L’occupation à outrance, cette espèce d’horreur du vide que nous transmettons aux enfants en surchargeant leur temps libre n’est pas un service à leur rendre. C’est quelque chose qui empêche les enfants d’avoir le goût de l’introspection, de l’interrogation sur soi, de la descente en soi-même. Où j’en suis, qu’est-ce que je ressens, qu’est-ce qui m’arrive, qu’est-ce que cet événement a comme conséquence sur moi, que veut-il dire ? Cette aptitude à se poser ces questions, bien utile dans la vie, ne tombe pas du ciel. Cela suppose des temps de lenteur, d’inaction, où l’on a de l’espace, du temps pour réfléchir à ce qui nous est arrivé. Le boulot des parents, c’est aussi de permettre à leur enfant des temps de digestion, d’intégration de toutes les nourritures qu’ils leur proposent en termes d’activités, de loisirs. Il y a aussi le modèle que peuvent donner les parents. S’ils sont hyper actifs, toujours en mouvement, ils ne transmettent pas le même message à leurs enfants que si ceux-ci les voient parfois assis dans le jardin ou accoudés à la fenêtre en train de regarder passer les nuages et qu’ils disent à leur gamin : « tiens, regarde comme ce ciel est joli ». Là, on pose des petites « leçons » de descente dans les états d’âme !
CM : Que faire face à un enfant triste, mélancolique ? Comment l’aider ?
CA : Il faut discuter avec son enfant, lui dire que c’est normal d’avoir des états d’âme et qu’il peut arriver que ces états d’âme soient un peu douloureux. Un enfant a parfois le cafard après une colo ou à la fin de l’année scolaire, quand il quitte ses copains. A ce moment-là, c’est important de lui dire que l’on vit parfois des moments comme ça mais qu’avec le temps qui passe, il gardera sans doute de bons souvenirs. Nommer, discuter de ses états d’âme, c’est un grand service que l’on peut rendre à ses enfants. On augmente alors leur clarté en termes d’introspection, ce qui les aidera beaucoup à cultiver leurs états d’âme positifs… Vers une plus grande sérénité future !