Entre ciel et mer, Gérald Passédat cuisine les richesses de la Méditerranée dans le cadre luxueux de l’hôtel Le Petit Nice. Fidèle aux saveurs du Sud et de l’enfance, le chef marseillais crée un univers gourmand que les enfants aussi ont le droit de goûter.
Un article d’Alexandra Apikian
Tombé petit dans la marmite
Une villa néo-grecque perchée sur son rocher blanc surplombant la belle bleue… Le décor est paradisiaque, un Eden en plein cœur de Marseille.
C’est ici, dans cet établissement acquis en 1917 par son grand-père, que Gérald Passédat a grandi. Son métier, il a commencé à l’apprendre dès son plus jeune âge, dans la cuisine du restaurant, où il aimait «traîner», attiré «par les odeurs et l’effervescence» qui y régnaient. «Quand on est gamin on aime voir tout ce qui se passe, on veut tout comprendre. Et moi ce qui me fascinait le plus c’était l’alchimie des sauces», se souvient le grand chef. Dans cette cuisine familiale, il fait ses premiers pas en mettant la main à la pâte : «Je m’amusais beaucoup avec la pâte à sel, le pain. Je créais toutes sortes de formes. Maintenant c’est au tour de mon fils de 7 ans!»
Une cuisine personnelle avant tout
Après un parcours classique, de l’Ecole hôtelière aux frères Troisgros, sans oublier ses nombreuses expériences à travers le monde, ce passionné revient au Petit Nice en 1985 aux côtés de son père, Jean-Paul Passédat. En 2000, il prend sa succession et conserve les deux étoiles obtenues par ce dernier.
Sa cuisine a des accents du Sud et prend aussi les tonalités de son enfance : « La grande cuisine vient du plus profond de soi. Une cuisine personnelle s’inspire de souvenirs de gamins, de certains goûts que l’on a gardés en soi et que l’on reproduit par petites touches ». Pour preuve, on peut lire sur la carte : « Des bateaux de nos pêcheurs marseillais, le poisson de palangre entier selon arrivage, cuisiné de manière de Tante Nia ». Un clin d’œil à la sauce que concoctait « ma grande tante, lorsqu’elle me gardait et que je mangeais chez elle ».
Cuisinier, mais aussi Papa
Nourri de ses souvenirs et de son expérience professionnelle, Gérald Passédat porte un regard attentif sur le comportement alimentaire de son jeune fils. «Il ne faut pas forcer les enfants. Ils sont difficiles mais c’est normal car leurs papilles gustatives ne sont pas encore formées.» Ce qui ne les empêche pas d’apprécier certains plats, comme la recette du loup (voir ci-après), « qui a été l’un des rares moyens de faire goûter à mon fils du vrai poisson».
Donner de bonnes bases gustatives aux plus jeunes
Voilà une tâche importante où les grands chefs ont un rôle à jouer. «Si l’on parvient à former une génération au goût, ce serait lui rendre service, même sur un plan nutritionnel», commente le chef marseillais qui a participé, il y a deux ans, à la «Semaine du goût» dans l’école de son quartier. Une expérience à prolonger : «Plutôt que d’aller les voir, il faudrait faire venir les gamins pour leur montrer comment fonctionne une machine culinaire, en plus de l’initiation pratique aux saveurs ».
D’autant que les écoliers semblent prendre à cœur ces questions : «Des enfants du quartier qui savent que je suis chef m’interpellent en me disant que la viande de la cantine n’est pas bonne !» raconte-t-il, amusé. «Je prête beaucoup d’attention aux enfants qui viennent manger ici. J’évite surtout qu’ils attendent à table », souligne le magicien des goûts qui propose souvent à ces jeunes clients du foie de canard «du pâté, comme ils disent» accompagné de petits toasts très légèrement sucrés.
«En ce moment, j’étudie un plateau repas «chinoisant», ludique, avec des cases, qui offrirait aux gamins différents choix, au contraire d’une simple assiette. Mais je n’ai pas encore trouvé le plateau qui me plaise …», confie l’artiste. C’est bien ce qui s’appelle mettre les petits plats dans les grands.