Test ADN: Points de vue croisés Thierry Mariani/Philippe Cohen

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En 2008, lors de la présentation du projet de loi sur le test ADN à l’assemblée, Côté Mômes avait donné une tribune libre à Thierry Mariani, défenseur du projet de loi, et Philippe Cohen, rédacteur en chef du site marianne2.fr. Un débat plus que jamais d’actualité…

Test ADN: Plaidoyer pour une loi

Côté Mômes: Thierry Mariani, quels cas concrets, portés à votre connaissance vous ont amenés à faire la proposition relative au test ADN dans la nouvelle loi sur l’immigration à l’initiative de Brice Hortefeux ?
Thierry Mariani: D’abord, des cas de fraudes. Le rapport du 27 juin 2007 du Sénat expliquait que 30 à 80% des actes d’état civile contrôlés par les consulats français étaient faux. Il existe une vingtaine de pays dans le monde dans lesquels l’état civil n’est pas fiable. On parle toujours de l’Afrique mais certains pays d’Asie sont aussi concernés comme le Pakistan.

A l’opposé de ces fraudes il y a des gens bloqués. Le jour du débat à l’assemblée, le journal LE MONDE racontait l’histoire d’une réfugiée politique Mauritanienne qui attendait ses enfants depuis 9 ans. Elle expliquait qu’elle était bloquée parce qu’en Mauritanie on peut naître, se marier et mourir sans aucun état civil dans certaines régions. Comment peut-elle prouver que sa fille est sa fille. C’est la troisième loi que je rapporte en matière d’immigration. J’ai fait plus d’une quinzaine de rapports sur ces questions pour la délégation Union Européenne. Je pense connaître bien le dossier et je me suis aperçu que dans une douzaine de pays européens, le test ADN existait.

Concrètement, il permet pour les gens qui ne fraudent pas d’avoir une réponse rapide, et pour les ressortissants de pays comme l’Irak ou le Kossovo, pays en état de guerre où les mairies ont été détruites, de prouver leur identité. Cette loi va permettre de décharger les consulats de ces dossiers pour se concentrer sur d’autres dossiers qui méritent peut-être plus de vérifications.CM: Ne pensez-vous pas que si des enfants se trouvent dans la situation d’être réclamés par une famille comme étant les leurs, si cette famille satisfait aux autres points de la loi, la meilleure des choses pourrait être de prendre cette famille au mot et de s’assurer avec la plus grande vigilance qu’elle assume ses responsabilités parentales ?
TM: C’est les deux. Mais aujourd’hui, la situation concrète pour certains parents, c’est que pour faire venir leurs enfants, les dossiers mettent en moyenne entre 1 an et 1 an et demi pour être traités par les consulats dans la vingtaine de pays en question. Les humanistes qui me donnent des leçons devraient d’abord être choqués que des enfants puissent rester un an et demi loin de leurs parents. Je suis un pragmatique. Pour ceux qui ne fraudent pas, cela permet rapidement, en donnant une goute de salive, car ce n’est pas plus complexe que ça, d’être plus vite rejoins par leur famille.

CM: Mais la filiation biologique n’est pas le seul lien qui peut unir un enfant et des parents ?
TM: Vous avez raison, mais mon amendement ne remet pas en cause les enfants adoptés. Ce que je propose ne supprime rien de ce qui existe déjà. C’est un moyen supplémentaire. Celui qui refuse de faire tester son ADN pourra toujours passer par la voie classique. Pour les enfants adoptifs, cette voie classique dit qu’il suffit de fournir un acte d’adoption. Si on demande un rapprochement familial avec un enfant qui n’est pas biologiquement le sien, la loi demande déjà de fournir un document qui atteste de l’adoption. Mon amendement n’y change rien.

CM: Que vous inspire la polémique que vous soulevez en France ? Les intellectuels qui transposent le débat sur l’immigration sur le terrain moral ont-ils tort ?

TM: Le président du CRIF dans une tribune s’est opposé aux amalgames qui sont fait avec le passé. Nous assistons aujourd’hui à la même polémique que lorsque nous avons demandé à une époque de mettre les empreintes digitales sur les pièces d’identité. Je vis en 2007. Aujourd’hui, le problème n’est pas moral. Il est lié à une situation de mondialisation qui créé des situations compliquées pour établir son identité. Il ya eu la signature, la photo, l’empreinte digitale… maintenant on peut y ajouter l’empreinte génétique. Il ne s’agit pas de faire des fichiers ou de conserver des données. C’est un moyen moderne de remplacer avec un test simple des mois de contrôle de papiers.                                                            

La réponse de Philippe COHEN, rédacteur en chef de marianne2.fr –>

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Philippe Cohen, rédacteur en chef de Marianne2.fr, répond à Thierry Mariani

CM : Quels commentaires vous inspirent les positions de Thierry Mariani ?

Philippe Cohen : Le problème des faux papiers est réel et les policiers chargés de la répression de l’immigration clandestine l’évoquent souvent. Mais pour lutter contre ce phénomène, n’est-il pas plus urgent de mobiliser les policiers pur arrêter les responsables d’imprimeries clandestines que de mettre en place un processus long et tortueux et qui ne concernera, de l’aveu même de ses promoteurs, que quelques centaines de familles par an ?

CM : Vous avez parlé dans Marianne2.fr de « la rechute finale de la gauche», pour qualifier le climat moral qui s’est instauré ces dernières semaines, au sujet du test ADN notamment. Que reprochez-vous aux pétitionnistes qui protestent contre l’amendement Mariani ?

PC : Je leur reproche de retomber dans les vieux travers de la gauche : l’enflure verbale et le déni de réel. La gauche refuse d’analyser les conséquences des principe de « libre circulation » – des capitaux, des marchandises et des hommes – qu’elle a elle-même contribué à mettre en place. Elle se rapproche du révisionnisme historique en comparant le sort des immigrés clandestins à ceux des déportés de la deuxième guerre mondiale. Je connais pas mal de travailleurs clandestins, dont certains que j’ai pu aider à s’installer en France. Franchement, leur situation n’est pas fameuse, mais elle n’a rien à voir avec ce que n’osait me raconter ma grand-mère sur les déportés et les rescapés de notre famille. Pour moi, évoquer les rafles tous les jours, comme le fait Libération, est à la fois ridicule et honteux.

CM : La rédaction de Marianne a joué la transparence en mettant sur la place publique ses divergences durant l’élection présidentielle. Le débat sur le test ADN provoque-t-il lui aussi une certaine discorde à la rédaction ?

Pas à ma connaissance, mais il faut sortir du binarisme primaire : personne, à Marianne, ne s’est prononcé pour l’amendement Mariani, mais personne non plus n’accepte que l’on emploie les mots de rafle ou de déportation à propos des immigrés qui cherchent à régulariser leur situation. Il peut tout au plus y avoir des divergences d’interprétation sur le sens de cet amendement, selon qu’on le juge anecdotique ou populiste ou, au contraire, significatif de la droitisation du régime.

Retrouvez philippe COHEN sur www.marianne2.fr

 

QUE DIT DEJA LA LOI
Pour faire venir son conjoint ou ses enfants en France, la loi exige aujourd’hui d’être en situation régulière en France depuis 18 mois. D’avoir un logement décent et adapté à sa situation familiale. D’avoir un revenu suffisant hors prestations sociales.

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