À Anvers, le 19 juillet, un nourrisson de deux jours a été déposé dans une « boîte à bébé » belge. Le dispositif, controversé, est censé assurer la sécurité des nouveaux nés abandonnés. En pratique : on range bébé au placard.
Le bébé a ensuite été confié par la présidente du Centre Public d’Aide Social d’Anvers, de fait tutrice de chaque enfant abandonné dans la ville, à la responsable de l’association en charge de la «boîte». Comme tous les enfants abandonnés à Anvers, le bébé a été baptisé du nom de De Kleine (Le Petit). Un nom qui devrait changer lorsque l’enfant trouvera une famille d’accueil.
Des méthodes d’une autre époque
Une simplicité choquante mais qui n’est pas une invention moderne. La boîte à bébé serait apparue au début du XIIème siècle, en Italie. Appelé tour d’abandon, le système présent à l’entrée des églises était composé d’une sorte de tambour en bois que l’on devait faire pivoter afin de faire entrer le bébé à l’intérieur du bâtiment. La mère sonnait ensuite elle-même la cloche pour que l’on vienne secourir son enfant.
Le procédé a vite conquis l’Europe. Il est apparu à Paris en 1638, à l’initiative de St Vincent de Paul. En 1821, le système fut reconnu par l’Etat : il y’avait alors plus de 250 tours d’abandon en France. Mais jugés peu conforme avec le monde moderne, les tours d’abandon furent interdits en 1863. Les raisons morales n’étaient pas les seules en cause : présente partout en Europe, la boîte à bébé avait trop de succès et les instituts n’étaient plus capables de prendre en charge les enfants.
La boîte à bébés: une solution pour éviter le pire
Limiter les infanticides, voilà la première raison invoquée pour justifier ces «baby klappe », en français « guichet pour bébé », qui s’étendent alors rapidement dans les pays voisins. On en trouve aujourd’hui plus de 80 en Allemagne, plus de nombreux en Roumanie, en Slovénie, en Inde ou en Italie, sous des noms différents à chaque fois. La boîte belge est ainsi appelé Moeder Mozes Mondje, le panier de Moïse…
Un système sécurisé… mais inhumain ?
L’intérieur de la boîte, en plastique, est aménagé comme un petit lit, et dispose d’une couverture chauffée. Une fois le bébé déposé, la maman referme le tiroir. Le système ne laisse pas de place au doute : une fois le sas fermé, le mère ne peut plus l’ouvrir. L’intérieur est en permanence filmé par deux caméras, qui ne peuvent néanmoins pas filmer la maman souhaitant rester anonyme. Une minute après la fermeture, une alarme se déclenche automatiquement, prévenant les responsables de l’association en charge de la boîte, la police et les pompiers.
Dans un premier temps, la naissance est signalée à l’état civil et aux administrations responsables d’adoptions. On prend tout de même soin au passage de donner un nom à l’enfant, placé dans une famille d’accueil provisoire. La mère a alors un laps de temps variable (huit semaines en Allemagne) pour récupérer son enfant (les empreintes ADN du nourrisson sont systématiquement récupérées pour éviter les contestations). Ce délai passé, l’enfant est libre d’être adopté.
Pas d’abandon légal
En Allemagne, abandonner son enfant est strictement illégal : les boîtes à bébé sont donc simplement « tolérées », les policiers restant toutefois toujours chargés de retrouver les parents. Au Japon, un abandon de nourrisson est passible de 5 ans d’emprisonnement. Mais le système de boîte à bébé n’est pas condamné pour autant : l’enfant n’est pas considéré comme abandonné, mais confié à l’hôpital…
Dans la plupart des pays où le système est en place, les gouvernements refusent de légiférer et d’officialiser le processus, se contentant d’approximation dans la loi pour ne pas se prononcer.
Les droits de l’enfant ignorés
D’autre part, les droits inhérents à l’enfant ne sont pas non plus respectés, en particulier le droit de connaître ses origines, le système des boîtes à bébé rendant complètement impossible la recherche des parents. Sur ce point, le processus d’accouchement sous X est lui aussi remis en cause par le Conseil Européen, le rapport préconisant une déclaration d’identité obligatoire.
Pour quelles raisons ces méthodes sont réapparues ces dernières années ? D’après le rapport, qui déplore le manque de statistiques précises, les mères abandonnant leurs enfants dans les boîtes seraient avant tout des femmes marginalisées, très jeunes, incapables de survenir financièrement à la vie de leur enfant. Souvent étrangères, en conditions irrégulières, elles utilisent le dispositif comme ultime et unique recours.
Dans les pays de l’est, le niveau de vie extrêmement faible inciterait de plus en plus de femmes à abandonner leurs enfants à l’Etat, plus apte à assurer leur avenir. Viendrait ensuite des grossesses cachées car jugées honteuses, pour des raisons religieuses ou d’adultères. Le manque d’enfants a adopter en Europe de l’ouest a également fait du nouveau né l’objet d’un trafic : comment ne pas imaginer les dérives possibles de ces boîtes à bébé, rendant le geste si facile.
Mais plus que la méthode, c’est surtout la recrudescence de l’abandon qui est mis en cause par le rapport.
Pour lutter contre, le Conseil européen préconise en premier lieu d’informer les femmes des solutions leurs permettant de conserver leurs enfants auprès d’elles.
Boîte à bébés: risque de dérives ?
Pour ses défenseurs, il ne s’agit que d’un moyen permettant de minimiser le nombre d’avortement, les risques d’infanticides, les mauvais traitements, et de faciliter les démarches à des mères en condition difficile. Un moindre mal. Pour les autres, c’est justement une incitation à l’abandon, un système inhumain bafouant les droits de l’enfant : comment estimer les dégâts émotionnels faits à un enfant abandonné « officiellement » dans un tiroir ?
En attendant un jugement, les gouvernements se contentent de tolérer et les boîtes se multiplient. Faut-il pour autant craindre une dérive et une multiplication des cas d’abandons ?
En Belgique, dix ans après sa création, la boîte à bébé d’Anvers n’a servi que deux fois. En Allemagne, sur les nombreux cas constatés, les parents ne sont venus que deux fois récupérer leur enfant. Au Japon, dix minutes seulement après l’ouverture de la première boîte, joliment appelé « nid des cigognes», un homme a déposé son bébé. Un bébé qui a pu donner lui-même son nom : il avait trois ans.