Les enfants de 2 à 5 ans sont plus doués pour naviguer sur ordinateur que pour nager ! Chez les 2-5 ans, près d’un enfant sur 5 sait jouer avec un téléphone. Au même âge, ils ne sont qu’un sur 10 à pouvoir faire leurs lacets. De la même façon, davantage d’enfants savent ouvrir un navigateur Internet (25%) que nager sans brassards (20%). Les petits français sont particulièrement débrouillards : 70% d’entre eux sont capables de jouer à un jeu d’arcade sur ordinateur. Quelles sont les limites et les dangers pour cette nouvelle génération de surdoués du clavier ?
Un Facebook dédié aux enfants ?
Officiellement interdite aux moins de 13 ans, la création de comptes Facebook pourrait bientôt s’ouvrir aux plus jeunes, sous le strict contrôle de leurs parents. Le réseau social a commencé à travailler sur des outils destinés aux moins de 13 ans, qui seraient plus de 7 millions à utiliser le réseau social illégalement. 15% des 7-9 ans et 35% des 10-12 ans déclarent avoir un compte.
En théorie, les enfants de moins de 13 ans ne peuvent pas créer de compte sur le réseau social facebook. Mais la règle est largement contournée. Une étude de 2011 montre que 78% des parents estiment que contourner la règle de facebook est acceptable puisque le réseau permet, entre autre, de faciliter la communication avec les parents et la famille.
Chaque jour le site supprime des milliers de comptes ouverts par des enfants. Le plus célèbre des réseaux sociaux travaille donc sur la création d’un service adapté aux enfants. Plusieurs solutions sont à l’étude pour permettre aux parents de contrôler leur facebook. Ils pourraient par exemple consulter les demandes d’amis envoyées, mais aussi autoriser ou bloquer certaines applications.
Qu’en pensent les parents ?
Delphine : j’ai 31 ans et suis maman de 2 petites filles: Amalia 3 ans et Ella 4 jours. Mon mari Thomas est un adepte de toutes nouvelles technologie, autrement dit nous sommes la famille apple ! iPhone 3 à 5, iPad 1 et récemment 3, MacBook air et Pc fixe pour les jeux en réseau.?Notre première fille a donc vite été habituée à la vue de tous ces objets à portée de main dans notre maison. Elle sait naviguer sur l iPad depuis ces 18 mois et montrez les photos qui la concernent ou les applications à ces grands parents, étonnés.?Son iPad remplace ni plus ni moins qu un lecteur DVD, une radio ou des jeux éducatifs et nous permet une autonomie beaucoup plus importante (super pour les longs trajets).?Les applications gratuites et éducatives sont nombreuses. Elle a appris beaucoup de comptines, à faire des puzzles, les couleurs et l alphabet. Grâce aux smartphones, je peux aussi lui mettre un petit dessin animé dans les salles d attente, Elle ne bouge pas ou ne s impatiente pas comme les autres gosses.?Au niveau de l utilisation de la tablette, elle est à disposition le soir, surtout après manger. Ça a plutôt tendance à la calmer puisque elle écoute et regarde les histoires racontées.?Pour nous, il s agit plutôt d un outil aidant à l éveil et apprentissage, qu à une machine diabolique.
Caroline : Ma fille a bientôt 7 ans. J’ai un iPhone depuis bien 4 ans et elle a commencé à s’y intéresser assez vite. Au début c’était pour faire défiler les photos puis petit à petit j’ai chargé des applis pour les petits enfants et elle a beaucoup joué avec. Ce qui m’a amené à créer une rubrique applications enfants sur mon blog dès janvier 2010 http://nipette.over-blog.com/categorie-11794567.html.
On a commencé par jouer tout simplement puis les applications sont devenues des aides à l’apprentissage. Ensuite il y a eu l’arrivée de l’iPad et elle y joue pas mal, lit des histoires. Elle demande la permission de jouer, en général une vingtaine de minutes et elle s’arrête d’elle-même. Nous n’avons pas eu besoin d’imposer des règles.
L’iPhone et l’iPad font partie de son univers technologique, elle a grandi avec. Quand nous avons changé d’iPhone, nous lui avons donné un de nos vieux (sans carte Sim bien sûr) qui lui sert à prendre des photos ou à jouer avec les applications mais elle n’abuse pas et l’oublie des jours durant. Elle est en demande surtout quand on doit faire un long voyage en métro ou en voiture ou attendre un rendez-vous…
Du coup elle s’intéresse moins à l’ordinateur. Elle a eu une phase jeu sur l’ordi mais ces derniers temps plus du tout.
Pour ce qui est des jeux vidéos, comme nous ne jouons pas beaucoup nous-mêmes je pense que ça ne l’incite pas plus que ça. Un petit jeu sur la Wii de temps en temps mais c’est irrégulier, même pas une fois par semaine. Peut-être que quand elle grandira, elle jouera plus.
Nous n’avons pas de DS ou jeu de ce type, en fait avec l’iPad et l’iPhone j’ai le sentiment que ça suffit. Elle n’a jamais demandé de DS (pour le moment).
Résultat : nous avons une enfant qui, même si elle aime jouer sur les smartphones et tablettes, passe le plus clair de son temps à jouer avec ses jouets ! Et tant mieux, je me dis qu’elle a bien le temps de devenir une pro de la Ds ou de la Wii.
L’école et les nouvelles technologies
Internet, consoles de jeux, ordinateurs… les enfants découvrent les nouvelles technologies presque dès leur naissance.
On parle d’ailleurs de « digital natives » ou « enfants de l’ère numérique ». L’école va devoir s’adapter et réfléchir à la meilleure façon de transmettre les savoirs aux jeunes. D’ailleurs, 88 % des parents trouvent utile que les technologies de l’information interviennent dans l’éducation des enfants. Si les enfants associent le plus souvent les technologies numériques aux loisirs, le lien entre cet univers et les apprentissages se développe progressivement à l’école. L’objectif est de former des citoyens à même de faire une utilisation raisonnée des technologies de l’information et de la communication.
Interview Jacques Henno est spécialiste des nouvelles technologies, il donne de nombreuses conférences pour enfants, adolescents, parents, éducateurs. Et intervient auprès des jeunes à partir du CM2 jusqu’à la 1ère.
Comment intervenez-vous auprès des enfants ?
J’essaie de leur apprendre le bon usage des nouvelles technologies. Mon angle d’approche est de leur expliquer qu’à chaque fois qu’on les utilise on laisse des traces, ce qui veut dire que l’anonymat n’existe pas. Donc si on fait une bêtise, on sera retrouvé. Je ne leur dis pas cela pour les culpabiliser, mais pour les responsabiliser. A partir de la 4ème je leur parle de la pornographie : c’est-à-dire qu’il faut faire attention aux photos que l’on met sur facebook. Si leur profil facebook est mal paramétré, il devient un site public, accessible par les moteurs de recherche.
Quelles limites les parents doivent-ils fixer ?
Ils me demandent souvent « combien de temps je dois laisser devant l’ordinateur ? », mais cela dépend de chaque enfant, de ses limites, de l’âge, de sa façon de travailler. Certains développent de vraies compétences informatiques, donc il ne faut pas les brimer, mais les accompagner. Il faut bien sûr mettre en place un certain nombre d’outils de prévention. Au minimum, sur les moteurs de recherches, comme Google, Yahoo, ou Bing, c’est d’activer les options de « safe search ». Cet outil limite lui-même les résultats, pour que les enfants ne soient pas exposés à des contenus pornographiques, ou violents. Mais c’est un outil qui est facile à installer, donc facile à désinstaller. Donc il faut aussi mettre en place des outils un peu plus sophistiqués comme le contrôle parental.
Les parents d’aujourd’hui sont-ils responsables ou dépassés ?
Les parents sont complétements dépassés. Eux ont un usage assez limité, par exemple ils n’utilisent pas facebook pour mettre des photos de leurs copains. Ils ne s’imaginent pas tout ce que leurs enfants peuvent faire, et les enfants ont une imagination débordante.
Quels conseils pour aider les parents ?
Je leur explique le nouveau contexte médiatique dans lequel les enfants naviguent. Ils baignent tous dans un univers d’images, que l’on consulte, que l’on produit. Des images qu’ils consomment sur les réseaux sociaux, sur Internet, à la télévision, sur les tablettes tactiles. Ce qui donne une nouvelle manière de consommer l’information, et eux-mêmes produisent des images avec les téléphones portables. Ces images, ils les partagent, car ils sont tous en réseau.
Quels dangers pour l’avenir ?
Ce qui devient compliqué à gérer c’est le téléphone mobile. Je vois de plus en plus de collégiens qui ont des smartphones. Un jour où l’autre ils vont se démocratiser, donc des enfants de plus en plus jeunes vont avoir ce type de téléphone. Et ces outils sont comme des ordinateurs, voire plus, avec le GPS, l’appareil photo, etc. C’est cette consultation d’Internet en mobilité qui va poser un problème aux parents, car ils ne pourront contrôler ce qu’ils font. Tous les outils de contrôle d’Internet ici volent en éclats. Et Facebook l’a très compris, près de la moitié des utilisateurs du réseau social, c’est-à-dire, plus de 400 millions se connectent à travers leur téléphone portable.
Et l’avenir de l’école ?
Les nouvelles technologies doivent être traitées comme un média, de même qu’il devrait y avoir des cours pour acquérir un esprit critique par rapport aux journaux papiers, à la télévision, et autres. Ce qui est très peu développé en France. C’est là que l’éducation nationale a un effort à faire. D’ailleurs l’intérêt ce n’est pas d’apprendre aux enfants comment se servir des nouvelles technologies, mais leur apprendre à avoir un esprit critique. J’interviens devant des collégiens et je leur demande par exemple : « est-ce que vous savez comment Google ou Facebook gagnent de l’argent ? » Très peu en général se sont posé la question. Ils ont assez peu de curiosité par rapport à ce qui les entoure.
Que pensez-vous de la possible ouverture de Facebook au moins de 13 ans ?
Je suis extrêmement défavorable au fait que Facebook s’ouvre au moins de 13 ans. Si facebook rentre tôt dans leur vie, arrivés à l’adolescence ils n’auront aucun recul. En CM2, donc des enfants qui ont 10 ans, un tiers ont un compte Facebook. Et la proportion augment au fur et à mesure qu’ils grandissent eux-mêmes.
Depuis longtemps les enfants cherchent dans les écrans des repères pour savoir comment devenir « grand ». La télévision et le cinéma ont toujours constitué de tels repères. Et à partir de là, tout se joue autour de la relation que les enfants ont avec leurs parents. Si ceux-ci fonctionnent selon des règles claires et fiables, les enfants renoncent vite à appliquer les recettes qu’il leur semble découvrir sur les écrans. Mais si les parents n’ont pas de tels repères, ou, pire encore, se détournent de leurs enfants, ceux-ci vont évidemment tenter d’appliquer les modèles des écrans.
Livres publiés :
• Facebook et vos enfants (2012, éditions Thélémaque)
• Les 90 questions que tous les parents se posent : téléphone mobile, Internet, jeux vidéo…(2008, éditions Télémaque)
• Les Enfants Face aux Ecrans : Pornographie, la Vraie Violence (2004, éditions Télémaque – ressorti au format poche chez Pocket en 2008)
• Les Jeux Vidéo (2002, Le Cavalier Bleu, collection Idées reçues)
• Internet (2001, Le Cavalier Bleu, collection Idées reçues)
