Le regard de Catherine Dolto

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Médecin, psychothérapeute, fille de la célèbre psychanalyste Françoise Dolto, Catherine Dolto a écrit de nombreux livres pour les enfants dont  « Attendre un petit frère ou une petite sœur », réédité chez Gallimard en 2006. Rencontre.

Que se passe-t-il quand la famille s’agrandit ? Quels sont les enjeux pour les parents, pour l’aîné ?

C’est un remaniement profond du trio, vécu de manière différente par chacun des parents. Ces derniers sont en effet renvoyés à leur propre enfance et à leur position dans la fratrie : un papa qui a souffert d’être le 2e enfant de sa famille, jalousé par le premier, craindra qu’il n’arrive la même chose à son deuxième enfant. Là est le grand danger chez les humains : l’identification et la projection. Les parents ne peuvent pas s’empêcher de se mettre à la place de leur enfant et le piègent ainsi dans une surprotection ou un attendrissement, alors que cet enfant n’est pas eux, et ne va pas forcément ressentir ce qu’ils ont ressenti. Cette attitude peut occasionner des difficultés, des tensions entre les parents, alors que pour le premier ils étaient sur la même longueur d’onde… Cependant, un deuxième enfant n’est pas un plus grand défi qu’un premier, c’est un défi différent. Il s’agit de découvrir ce que c’est que partager son temps…

La jalousie est-elle un sentiment par lequel passe forcément l’aîné ?

Cette jalousie est banale, mais elle sera plus ou moins prononcée. Les enfants qui ont été sécurisés, accompagnés, notamment grâce à la pratique de l’haptonomie, sont souvent moins jaloux. Pour ceux qui le sont, il n’y a pas d’inquiétude à avoir tant que l’enfant ne montre pas de régression importante sur son lieu de vie, c’est-à-dire chez la nounou, à la crèche ou à l’école. Si les « crises » n’ont lieu qu’à la maison, c’est moins alarmant. Elles ne traduisent qu’un sentiment d’injustice, d’inquiétude, et une envie de protestation plutôt saine. Dans ces cas-là, ce qui calme le plus un enfant dont le comportement est pesant, c’est de lui parler de la jalousie, celle que tous les humains éprouvent à un moment où à un autre de leur vie. Mettre des mots sur ce sentiment sans les culpabiliser les aide beaucoup !

Comment rassurer un enfant qui angoisse d’être remplacé ?

En lui disant, par exemple cette petite phrase que disait ma mère, Françoise Dolto : « Je suis ta petite maman à toi tout seul et aussi votre mère à tous les deux ». Ca  aide l’enfant et le parent parce que c’est vrai : on n’est jamais le même papa ou la même maman pour deux enfants différents. S’il a l’impression qu’être grand n’est pas « intéressant », puisqu’on s’occupe moins de lui que de son petit frère qui ne sait faire que pipi-caca-dodo, on essaye de relativiser en lui disant que c’est vrai, les couches ce n’est pas un moment forcément passionnant, mais qu’on le fait parce qu’on sait que le bébé va grandir et devenir beaucoup plus intéressant… comme lui. On sort les albums photos, on lui rappelle que lui aussi a été petit, que ses parents également ont été bébés.

Quels sont les écueils à éviter ?

Ce qui est très important, c’est que les parents ne comparent jamais en quantité l’amour qu’ils portent à leurs enfants, même en disant « je t’aime autant ». On n’aime jamais de la même façon deux enfants différents ! On n’aime pas une fille de la même manière qu’un garçon, ni l’aîné comme le second. On aime différemment car chaque enfant apporte des choses différentes… Encore une fois, il ne faut pas chercher à comparer, sinon on ne vit plus ce qu’il y a à vivre. Il faut au contraire revendiquer haut et fort la différence. Et si on est gêné par la jalousie de l’ainé et toutes ses manifestations, il faut d’abord le rassurer sur sa place dans notre cœur, puis mettre des mots sur son attitude. Et si cette jalousie prend trop de temps, trop d’attention, ou si on est malheureux de voir son enfant malheureux, il faut consulter. Le chagrin ne doit pas devenir un outil de pouvoir pour l’enfant.

On a tout entendu sur l’écart d’âge entre deux enfants…

Parce qu’il n’y a rien à en dire ! Il n’y a pas de dogme en la matière, cela dépend d’un tas de choses, des conditions matérielles de la famille, de l’organisation pratique, de l’âge des parents, etc. Vous savez, je vois dans mon cabinet des tas de gens qui ont tout fait « comme il fallait », qui ont tout calculé au mieux et pour qui ça tourne mal, et je connais des tas de familles qui ont tout fait de travers et pour qui ça tourne bien ! Alors restons humbles.

Pourquoi fait-on un deuxième enfant ?

Il y a autant de situations que de deuxièmes enfants. Ce qu’on a pu remarquer, c’est que certains parents croient avoir désiré ce bébé alors qu’ils l’ont plutôt décidé. La contraception et son corollaire, la maîtrise de la fécondité, sont de très bonnes choses, mais ce n’est pas toujours facile à gérer pour des familles le fait que les enfants soient désirés et programmés…

Pourquoi a-t-on peur de ne pas aimer le deuxième autant que le premier?

Parce que c’est ce qu’on imagine, et que l’imaginaire est à la fois la plaie et le délice de l’être humain ! En vérité la vie n’est jamais comme on l’avait imaginé et c’est très bien comme ça !

Si on choisit de faire une préparation en haptonomie pendant sa grossesse, peut-on y associer l’aîné ?

En principe, on ne reçoit pas l’aîné dans le cabinet. Sa mère est allongée pendant 45 minutes, ses parents ne sont pas disponibles pour lui et c’est long. Ce n’est pas, sauf exception, sa place, mais tout dépend de l’âge et des problèmes de l’enfant.

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