Laure Camborieux créatrice et présidente de l’association Maia, nous explique pourquoi, selon elle, il est si important de légaliser la GPA.
L’association MAIA: favorable à la Gestation pour autrui
Côté Mômes : La Cour d’appel de Paris a donné à un couple, en octobre dernier, une suite favorable à sa gestation par autrui en reconnaissant son statut de parents sur le territoire français. Cela représente-t-il une reconnaissance et un espoir pour votre association ?
Laure Camborieux : Oui, Sauf que pour ce couple-là, c’était en cassation, il n’est donc pas évident que leur cas fasse jurisprudence. Cependant, nous travaillons beaucoup depuis quelques années et certaines avancées nous donnent des raisons d’espérer. La nécessité d’un cadre pour organiser la filiation est à peu près acquise. Ce qui a bien été compris aussi, c’est que notre association travaille dans le cadre de couples infertiles et pas du tout dans le monde de l’homoparentalité, amalgame qui était souvent fait. Je précise aussi, parce que cela fait partie du fantasme aussi, qu’en 7 ans d’accueil téléphonique pour les couples éventuellement concernés, je n’ai jamais eu d’appel de complaisance d’une femme qui me dirait par exemple qu’elle pense à la gestation pour autrui pour ne pas déformer son corps. Mais pour revenir à votre question, nous pouvons je pense espérer des lois bioéthique de 2009 qu’elles autorisent la GPA dans les cas où c’est l’embryon du couple qui serait porté par quelqu’un d’autre. Ce sont les cas les moins problématiques. Pour le reste, ce sera, je pense, plus compliqué.
CM : Beaucoup d’experts vous soutiennent (médecins, psychologues…) et cette pratique est légale dans bien des pays. Pourquoi est-ce encore si tabou en France ?
LC : De toutes les raisons qui sont opposées à la GPA, il n’y en a pas une qui tienne debout. A l’étranger, on a su encadrer, au Canada par exemple, on a su trouver des réponses aux questions que l’on se pose chez nous aujourd’hui. Le principe d’indisponibilité que l’on nous oppose est un principe qui s’opposerait au don d’ovocytes, à la greffe d’organes entre vivants, au simple don de sang… En fait, c’est un principe qui n’existe pas dans les faits. C’est incompréhensible ! Il y a des gens qui disent « c’est la grossesse qui fait la mère »… Ce qui veut dire que l’on condamnerait aussi l’adoption ? Ca n’a pas de sens. Il y a une espèce de crispation qui fort heureusement est en train de se lever. A force d’explications, on a réussi à convaincre pas mal de monde, des médecins, des juristes et même des députés. Maintenant, on a des appuis dans tous les domaines parce qu’on a réussi à montrer que malgré le déni ambiant, la gestation pour autrui existe en France mais qu’elle est dangereusement privée de cadre et donc laisse la porte ouverte à toutes sortes d’abus. On a vu des gens mettre des annonces sur internet en promettant à d’autres de les aider à trouver une mère porteuse, y compris en France et moyennant finances. C’est ce qui se passera si on ne légifère pas. Et puis, en l’absence de loi et d’organisation, il n’y a pas de sélection au départ de la gestatrice alors que c’est indispensable. On sait par exemple qu’en Angleterre, à peu près 50% des candidatures sont refusées, les candidates à la gestation s’arrêtant après la première information parce qu’elles s’aperçoivent qu’elles ne sont pas prêtes. Il faut être solide psychologiquement. En outre, juridiquement, en l’état actuel des choses, la mère porteuse est la mère et cela ouvre la voie à tous les chantages possibles et imaginables.
CM : Même si la loi française autorisait la gestation pour autrui, elle ne pourrait pas régler l’aspect psychologique des choses et empêcher par exemple les « deux mères » d’un enfant de se déchirer ?
LC : Mais que la loi l’autorise ou non, la gestation par autrui est une réalité ! Il serait irresponsable ou stupide de vouloir l’ignorer. Et c’est justement pour éviter les déchirements qu’il faut lever ce tabou et légaliser cette pratique, en l’encadrant strictement bien sûr. C’est un parcours sur lequel il faut énormément réfléchir. Il faut avoir énormément confiance en la gestatrice. Pour nous, c’est une pratique que l’on ne peut envisager que si l’on accepte la présence de cette femme après. Elle a porté l’enfant du couple, ce n’est pas rien comme investissement, ce n’est pas quelqu’un que l’on peut jeter comme ça ! Quand les choses se passent bien, cela se passe tout naturellement et des liens très forts se créent. Mais cela veut dire qu’il faut être capable de donner sa confiance, il faut avoir fait le deuil de sa propre grossesse, il faut être d’un naturel ouvert aux autres. C’est un parcours stressant, il faut être capable de porter ce stress, de bien communiquer, de rattraper les erreurs de communication parce qu’il y en a toujours… Néanmoins, même si c’est loin d’être simple, j’ai vu personnellement beaucoup plus de succès que d’échecs.