« Je veux un animal ! » Ce qui résonne souvent aux oreilles des parents comme un caprice relève plutôt, selon les spécialistes de la psychologie et du développement enfantins, de besoins affectifs fondamentaux. A prendre au sérieux, donc, mais sans perdre de vue les contraintes qu’impose un animal quand il devient le compagnon quotidien des humains ! Ma puce, mon poussin, ma biche… Dès le plus jeune âge, les enfants sont bercés par des noms d’animaux qui sont autant de mots d’amour. Ils sont entourés de peluches qui leur servent de confidents, les rassurent. Le doudou, ce prolongement affectif de maman, prend bien souvent les traits d’un lapin, d’un ours, d’un chien. Bref, les animaux règnent en maîtres sur l’univers des tout petits qui d’ailleurs, pendant leurs premières années, ne différencient en rien l’animal véritable de leur peluche préférée. Plus grands, rares sont ceux qui ne réclameront pas un compagnon à quatre pattes à la maison. Et parfois, le poisson rouge dans son bocal avec investissement et encombrement minimums ne suffira pas à combler ce besoin pressant. Alors, lubie passagère ou cri du cœur qui mérite que l’on se pose sérieusement la question d’élargir la famille ?
Je peux tout lui confier
Hubert Montagner, neurobiologiste et directeur de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) l’affirme : « Les interactions avec l’animal familier contribuent à façonner le monde émotionnel, affectif, relationnel et social de l’enfant. » Au cours de ses travaux, il a pu observer une baisse significative du rythme cardiaque et de la pression artérielle chez un enfant qui caresse un chien, un apaisement des pleurs et gémissements des petits au contact avec l’animal familier, l’accroissement des la fréquence des comportements affiliatifs (sourires, rires, caresses, jubilations, offrandes et sollicitations). On a pu constater aussi l’atténuation des comportements dits hyperactifs ou agressifs en présence d’un animal. L’animal rassure donc, apaise, mais ce n’est pas tout : se confiant à son animal, «l’enfant lui parle et le langage joue alors tout son rôle dans l’expression des émotions et de la pensée, et dans la communication. » La zoothérapie, sur les traces d’Ange Condorcet, vétérinaire qui fut le premier à introduire en France des thèses sur les bienfaits d’un animal auprès des enfants en difficulté, a depuis fait bien du chemin… et ses preuves auprès notamment des enfants psychotiques, autistes ou infirmes moteurs cérébraux. L’animal participe à la sécurité affective de l’enfant. Il est aussi celui qui lui permet de s’identifier, donc de prendre confiance en lui. Freud expliquait déjà en son temps que les enfants se sentaient davantage apparentés aux animaux qu’à leurs parents : « Dans un premier temps, la ressemblance est du côté de l’animal, la différence du côté de l’adulte ». Car l’enfant, confronté aux limites de ce qu’il ne peut pas comprendre, partage avec l’animal une certaine forme « d’exclusion » de ce qui se passe autour de lui, qu’il s’agisse des activités des parents ou de leurs conversations. De plus, l’enfant perçoit le comportement d’imitation du chien comme des signes d’adhésion : le chien court quand l’enfant court, il peut ouvrir une porte en se dressant sur ses pattes, fait tinter une cloche en tirant avec ses crocs sur la corde qui la met en branle… L’enfant interprète ces comportements comme une réelle complicité : il fait comme moi, il m’a vu faire, il a compris pourquoi et comment j’ai ce comportement… Donc, il me comprend ! En lui prêtant les mêmes sentiments que lui, l’enfant imagine qu’ils passent tous les deux par les mêmes émotions, ce qui en fait un confident idéal, celui à qui l’on peut tout dire !
Il m’aime comme je suis
Pour grandir, l’enfant passe par toutes les phases nécessaires de l’éducation, éducation qui consiste à poser des limites, à interdire certains comportements. Des barrières dont l’enfant ne comprend pas d’emblée la légitimité et qui s’envolent, pour son plus grand plaisir, dans la relation à l’animal. Selon Boris Levinson, spécialiste américain de la question, l’animal ne nourrit pas d’attentes idéalisées envers l’enfant, l’accepte tel qu’il est. Une acceptation inconditionnelle qui lui permet de se sentir valorisé. L’animal, parce qu’il ne parle pas, ne le juge pas, ne le renvoie pas à des difficultés personnelles ou familiales, ne le trahit pas et ne risque pas de le gronder s’il a de mauvaises notes. En ces temps où l’on demande des performances aux enfants, l’animal est une valeur refuge non négligeable, plus nécessaire encore pour les enfants qui vivent dans une relative insécurité affective (rupture des liens familiaux, maltraitance, mère dépressive…) « Toutes proportions gardées, et évidemment sans confusion, l’animal familier remplit alors un rôle qui s’apparente à celui d’un psychanalyste, sauf qu’il donne l’impression ou la certitude de prendre délibérément parti pour les êtres dont il partage au quotidien les activités » conclut Hubert Montagner dans un document récent paru dans la revue trimestrielle Enfances & Psy.
Il me fait grandir
Avoir un animal, c’est aussi se responsabiliser, du moins en théorie. Car si, au moment d’acquérir un compagnon à quatre pattes, l’enfant s’entend souvent dire qu’il devra s’en occuper, dans les faits, c’est rarement le cas. Demander à un petit de 5 ans de sortir Médor à 22 heures n’a évidemment pas de sens. En revanche, à travers sa relation à l’animal, l’enfant s’apercevra que cette peluche vivante n’obéit pas toujours à son besoin pressant de câlins ou de jeux. Or, ce refus d’obéissance de la part de son animal favori, loin d’être traumatisant pour l’enfant, lui fera comprendre, bien mieux que de longs discours, que l’attente et la frustration font partie de la vie. En gros, l’animal le fera grandir sur la voie de la sagesse. Attention toutefois à ne pas faire d’anthropomorphisme excessif : s’il est naturel pour l’enfant de se sentir « semblable » à un animal, il est dangereux de la part des adultes, de considérer un animal comme un bébé. En France, pays champion d’Europe de l’animal de compagnie avec 65 millions de chats, chiens, lapins, oiseaux, furets et autres hamsters domestiques, la moitié des couples sans enfants dorment avec leur animal sur ou dans leur lit. Difficile dans ces conditions, à l’arrivée d’un bébé, de lui garantir une sécurité maximale. Autrement dit, chacun doit être à sa place et la place d’un chien n’est pas dans le lit de ses maîtres, pas à table avec eux non plus, sous peine de réactions agressives vis-à-vis de l’enfant à venir. De manière générale, mieux vaut rester vigilant en présence d’un nouveau-né, les facteurs de risques étant multiples : infections telles la maladie des griffes de chat ou la toxop
lasmose, allergies aux animaux traduites par l’asthme du nourrisson, accidents tels que morsures, griffures ou asphyxie. Alors, animal ou pas ? Du point de vue de l’équilibre de l’enfant, trois fois oui, à condition que chacun ait la place qui lui revient, à condition aussi de ne jamais perdre de vue qu’il s’agit d’un engagement important à long terme qui suppose des moyens matériels et une disponibilité adaptés.
Pour en savoir plus
L’animal et l’enfant, les émotions qui libèrent l’intelligence par Hubert Montagner, éditions Odile Jacob, 2001
L’enfant et la médiation animale par François Beiger, éditions Dunod, collection Enfances, 2008
L’enfant et l’animal, Revue trimestrielle Enfances & Psy n°35, Editions Eres, 2007
www.scc.asso.fr : la société centrale canine édite un CD Rom interactif destiné aux 5-7 ans pour apprendre à vivre avec son chien www.institutfrancaisdezoothérapie.com
www.afirac.org (site de l’Association française d’information et de recherches sur l’animal de compagnie)