Grossesse précoce: qui sont les adomamans?

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Qu’il s’agisse d’un accident ou d’un projet réfléchi, les grossesses adolescentes, ou grossesses précoces, « dérangent » nos sociétés occidentales. Jugées, incomprises, souvent fragilisées, ces ados mamans font pourtant bien partie de notre société. Qui sont-elles ?

Adomamans : être maman à l’adolescence

Les grossesses adolescentes sont définies par convention comme les maternités survenant entre 13 ans et 19 ans. Appelés grossesse précoces, elles sont très courantes dans le monde, selon l’OMS, 16 millions de jeune filles âgées de 15 à19 ans et près d’un million de fille de moins de 15 ans accouchent chaque année dans le monde.
Selon les Statistiques sanitaires mondiales 2014, sur 1000 nouveau-nés, 49 ont une maman âgée de 15 à 19 ans. Les taux varient selon les pays et vont de une à 299 naissances pour 1000 jeunes filles, les plus élevés étant enregistrés en Afrique subsaharienne.
Or, ces grossesses ne sont pas sans risque,  les complications dues à une grossesse précoce représentent la deuxième cause de mortalité chez les jeunes filles de 15 à 19 ans.

Grossesse précoce : l’influence du modèle familial

Les adolescentes enceintes sont issues de tous les milieux sociaux, même si la grossesse intervient plus souvent dans les milieux défavorisés et les familles déstructurées. D’autres éléments se retrouvent souvent, comme des antécédents de prise en charge institutionnelle de l’adolescente ou de sa mère, une adolescente elle-même née d’une mère adolescente, un père absent ou exclu.
L’étude psychologique de la jeune fille enceinte montre qu’il s’agit parfois, à travers sa grossesse et l’arrivée de l’enfant, de réparer les carences affectives et éducatives dont elle souffre, d’après les recherches de Paul Bizouard et Philippe Duverger, professeurs au CHU de Rouen. Pour d’autres, en grande difficulté, devenir mère permet d’acquérir un statut, un revenu et de s’insérer socialement.
Il existe aussi, notamment dans des familles d’origine antillaise, africaine ou gitane, une culture et des coutumes favorisant le mariage précoce et, en conséquence, l’arrivée d’un enfant. Enfin, c’est parfois le choix d’un jeune couple (le futur papa étant cependant souvent majeur).
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Désir de grossesse ou désir d’enfant

D’autre part, les psychologues distinguent le désir de grossesse et le désir d’enfant. Des adolescentes peuvent avoir besoin de vérifier que leur corps « fonctionne ». Dans ces cas-là, la grossesse précoce aboutit le plus souvent à une Interruption volontaire de grossesse (pour laquelle l’accord parental n’est plus indispensable depuis 2002).
En 1998, le professeur Michèle Uzan, chef du service de gynécologie-obstétrique de l’hôpital Jean Verdier à Bondy (93), a rendu un rapport montrant que les grossesses précoces aboutissent pour moitié à une IVG. « Les sociologues, quant à eux, sont unanimes : qu’il s’agisse d’un signe de contestation ou d’inconscience, le désir et la survenance d’un enfant chez une adolescente correspondrait à un désir de reconnaissance dans un contexte de crise économique et sociale », rapportent Anne Daguerre et Corinne Nativel dans leur rapport pour la CNAF, « Les maternités précoces dans les pays développés », en 2004.

Grossesse précoce, donc à risque

Même si, médicalement parlant, une jeune fille peut être enceinte dès qu’elle est réglée et accoucher sans problème particulier, dans les faits, plus une femme est jeune (surtout avant 17 ans), plus les complications de grossesse sont fréquentes. Ce sont les mêmes que celles auxquelles les femmes adultes ont à faire face (hémorragie, septicémie, hypertension, anémie…), mais les risques sont plus élevés pour les primipares, et les adolescentes le sont à 80%.
Des facteurs socio-économiques tels que la pauvreté, un mauvais équilibre alimentaire, le manque de soins prénataux (ces grossesses sont souvent révélées tardivement), voire le manque de soins d’obstétrique d’urgence (pour celles qui cachent leur grossesse jusqu’au bout) peuvent augmenter les risques de complications. Pour l’enfant, les grossesses précoces induisent deux fois plus d’accouchements prématurés et plus de retards de croissance intra-utérins que chez les femmes enceintes adultes (rapport Uzan).
Les mineures enceintes doivent donc être entourées au maximum, affectivement, psychologiquement et médicalement. Celles qui accouchent seront particulièrement suivies par les services de PMI (Protection maternelle infantile), qui redoutent que leur immaturité et des difficultés de santé (dépression, tabagisme) n’exposent le bébé à des carences, voire à des situations de maltraitance. C’est le cas en France pour un enfant sur deux…. « Cependant, même lorsque la situation paraît difficile, il ne faut pas négliger la capacité de la mère adolescente à mobiliser des ressources maternelles surprenantes… », rappelle le service de pédopsychiatrie du CHU d’Angers.
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Grossesses précoces: une insertion plus difficile dans la vie active

« Par rapport à une femme qui attend d’avoir au moins 20 ans pour fonder une famille, celle qui a son premier enfant avant 20 ans court plus de risques d’avoir moins d’éducation, moins de possibilité d’emploi et un moindre revenu, d’être divorcée ou séparée de son partenaire et de vivre dans la pauvreté » souligne une étude américaine. De fait, la déscolarisation de l’adolescente enceinte est constatée, même si en France son état ne peut en aucun cas servir de prétexte à une éviction scolaire. Le projet professionnel est souvent compromis. Cela dit, les pouvoirs publics français ont mis en œuvre plusieurs dispositifs de soutien économique et social aux mères mineures (et aux parents isolés), via la formation et l’accès au marché du travail. L’autonomie et l’intégration sont visées.
Face à l’adolescente enceinte, le rejet de sa famille et l’isolement social sont aussi fréquemment observés. Certaines familles, déjà précaires, ne voient pas d’un bon œil l’arrivée d’un enfant supplémentaire. Pour d’autres, leur fille enceinte, c’est l’honneur qui est bafoué. Michèle Uzan constate que « si pour un certain nombre d’adolescentes le retour s’est fait au domicile, pour d’autres il a fallu trouver des solutions de placement en établissements spécialisés. Le nombre de foyers maternels étant très limité, avec un nombre de places très insuffisant par rapport à la demande, les délais pour l’obtention d’une place sont fort longs ».
Depuis les années 70, le gouvernement français a beaucoup travaillé sur la prévention : campagnes d’information dans les écoles, sur Internet (Fil Santé Jeunes), accès facilité aux contraceptifs… Depuis janvier 2002, les pharmaciens et les infirmières scolaires peuvent même délivrer la pilule du lendemain gratuitement et anonymement aux mineures. Résultat : le nombre de grossesses adolescentes a largement baissé ces dernières années (-36% entre 1980 et 1997, selon un rapport de l’Institut National des Etudes Démographiques d’octobre 2000). Et contrairement à ce que beaucoup redoutait, le nombre d’IVG est resté stable…

L’Angleterre est le pays européen au plus fort taux (62,6 pour 1000), et les Pays-Bas ceux du plus bas (8,1 pour 1000). De tous les pays riches, les Etats-Unis détiennent le record, avec un taux de 93 pour 1000 (chiffres 2003).

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