Les ados expliqués à leurs parents : rencontre avec Marie Rose Moro

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Marie Rose Moro, psychiatre spécialisée dans l’enfance, décrypte les comportements des ados et rappelle que ce n’est pas parce qu’on est de bons parents que nos enfants ne peuvent pas vivre leur adolescence, rebelle ou pas.

Marie Rose Moro est professeure de psychiatrie de l’enfance et de l’adolescence à l’université Paris Descartes. Elle dirige plusieurs maisons d’accueil pour jeunes, dont la Maison de Solenn, lieu d’écoute et d’orientation au sein de l’hôpital Cochin à Paris.

Dans son dernier ouvrage, Les ados expliqués à leurs parents, elle tente de décrypter le quotidien de ces jeunes souvent perdus : pourquoi cette passion des copains, du sport ou de la musique, et ce désintérêt croissant des études ? Pourquoi les parents adulés deviennent-ils des monstres, trop ou pas assez sévères, qui de toute façon ne comprennent rien et font tout pour les martyriser ?

Reposant sur une longue série de témoignages récoltés auprès d’adolescents, en souffrance ou pas, le livre aborde à travers leurs mots les grands thèmes de cette période particulière, toujours suivis du décryptage de la spécialiste.

Parents et ados : rétablir le dialogue

Côté-Mômes : Pourquoi un livre spécialement destiné aux parents ?

Marie Rose Moro : Que ce soit à l’école ou dans le cadre de soins, nous sommes souvent attentifs aux souffrances de l’ado lui-même, par contre les parents ont peu d’aide. Quand ils ont des difficultés, il n’y a pas de lieu pour échanger, sans jugement, avec d’autres parents ou recevoir des conseils. Les parents que je rencontre se sentent parfois seuls, abandonnés, ils ne savent pas vers qui se tourner.


CM : Quelle est la meilleure façon d’aider ses ados ?

MRM : Les parents ont avant tout un rôle de protection. Il faut dire ce qu’on peut faire ou ne pas faire, imposer des limites. Le propre de l’adolescent est qu’il n’est pas encore autonome. Les adolescents doivent faire leurs expériences par eux même, mais il faut les guider, leur montrer le chemin. Et autant dans les actes que dans les paroles : les adolescents sont particulièrement sensibles à ce qu’ils estiment être la vérité. Pour eux, cela passe souvent par l’exemple.


CM : Notre propre adolescence influence-t-elle toujours la manière dont nous voyons celle de nos enfants ?

MRM : Forcément. Leur adolescence nous rappelle nos propres questions, nos illusions, nos utopies, notre approche de la sexualité aussi. On pense toujours que l’enfant va réparer ce que nous avons manqué dans notre passé. Même si beaucoup de choses ont changé, lorsqu’on a changé de pays par exemple, les sentiments que l’on ressent à cet âge là reste très similaire. Parfois, certains parents oublient leur rôle et redeviennent un peu ado eux même. C’est difficile de se retrouver du côté des adultes.


CM : L’utilisation massive d’internet et des réseaux sociaux est-elle risquée pour des adolescents par définition fragiles ?

MRM : Globalement, les enfants s’en sortent bien mieux que nous ! Evidemment, la bonne réaction n’est pas la même face à un très jeune adolescent ou un jeune adulte de 17 ou 18 ans, plus responsable. Le média en lui-même n’est pas dangereux. Certains ne voient que les excès et les dangers. Evidemment, ils existent, mais les mauvaises rencontres se font aussi dans la rue. Il ne faut pas diaboliser internet mais apprendre aux ados à se protéger. Pour ce qui est du chat, c’est un des modes de communication de cette génération, il n’y a pas de raison de penser qu’il est moins bien qu’un autre. Les parents ont le sentiment que les relations sont plus compliquées maintenant qu’hier, mais je ne le pense pas.

Qui sont les adolescents d’aujourd’hui ?

CM : Les faits de violence, notamment à l’école, semblent plus fréquents qu’auparavant : nos ados seraient-ils dangereux ?  

MRM : Je m’occupe d’enfants depuis 25 ans, à Paris ou en banlieue, et je ne pense sérieusement pas qu’ils soient plus violents qu’avant. Par contre, un nombre important va plus loin dans l’autodestruction car ils ont une estime d’eux assez basse. Dans des familles avec peu d’enfants, les parents ont des attentes, au niveau scolaire entre autres, élevées. Lorsque les enfants ratent une marche, ils sentent qu’ils ont déçu leurs parents. Ils ont le sentiment qu’ils ne valent rien, ils peuvent aller très très mal. Les enfants des classes défavorisés ne se reconnaissent parfois pas dans l’école et renoncent vite. Ils prennent des risques parce qu’ils ont l’impression qu’ils ne valent rien. La souffrance des enfants a augmenté, la France est l’un des pays ou le nombre de suicide chez les jeunes est le plus important. Heureusement, dans le même temps, les parents se montrent plus attentifs au bien être de leurs enfants et les consultations préventives en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent sont en forte hausse.


CM : Dans votre livre, un adolescent déclare que « de toute façon, les parents ne peuvent pas nous comprendre ». Vous êtes d’accord ?

MRM : Oui, c’est un peu vrai. C’est le propre de l’adolescent de considérer ce qu’il dit ou ressent unique. Un tel changement du corps est difficile à transcrire avec des mots, à exprimer. C’est un moment où l’on a envie de ses rapprocher des autres ados, parce qu’on sent quelque chose en commun. Par contre, on y passe tous, donc les parents peuvent imaginer ce que c’est en se souvenant de leurs sentiments. Il faut parler avec les ados, bien sur, mais pas forcément chercher à les comprendre. 

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