Père et fils mode d’emploi

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Psychanalyste et auteur de nombreux ouvrages, dont le très récent Grandir paru chez Fayard, Claude Halmos décrypte les processus d’imitation qui opère souvent entre père et fils.

Père et fils : ne pas confondre imitation et identification

Côté Mômes : A quoi correspond le fait d’imiter chez un enfant ? Cela aide-t-il à son développement ?

Claude Halmos : Les enfants ont tendance à imiter. Ils s’imitent entre eux. Ils peuvent aussi imiter les plus grands et les adultes. Mais l’imitation, c’est destructeur. Imiter, ce n’est pas la même chose que s’identifier. S’identifier, c’est prendre un modèle pour grandir – et effectivement les adultes sont les modèles – et essayer de faire comme les grands. Ce processus-là, qui consiste en quelque sorte à faire comme les grands à sa façon à soi, laisse toute la place au développement de la personnalité. L’imitation, en revanche, est quasiment simiesque. C’est devenir le clone de l’autre. L’enfant qui imite se fait wagon d’une locomotive qui est celui qu’il imite. Et ce n’est pas du tout positif.

CM : Pourquoi certains enfants imitent-ils à outrance ?

CH : Cela peut vouloir dire des millions de choses. Il faut essayer de comprendre pourquoi parce que de toute façon, cela ne peut pas durer sans la complicité consciente et inconsciente des adultes. Un adulte dans un rapport « normal » à un enfant va être gêné si l’enfant imite. Il y a quelque chose de trop qu’il va sentir. Ca arrive d’ailleurs souvent de dire à un enfant d’arrêter de se sentir obligé de tout faire comme son grand frère ou sa grande sœur par exemple.

Père et fils : Laisser l’enfant devenir quelqu’un d’autre

CM : Mais certains parents sont fiers que leurs enfants les imitent…

CH : Là encore, il faut éviter la confusion. Dans le cadre de l’identification, la fierté est légitime. Cela veut dire que l’enfant a envie de grandir. Entre deux et trois ans et même après, c’est parce que l’on a envie de faire comme les grands que l’on devient autonome. Dans ce développement « normal »,  l’identification procède par traits : on prend un trait de quelqu’un. Par exemple, si papa fait une grosse voix, on peut prendre de temps en temps une grosse voix comme papa. Mais l’enfant qui parle avec la voix de son père en permanence, comme cela arrive parfois, c’est pathologique.

CM : Dans ces cas-là, pourquoi le fait-il ? Pour prendre la place de son père ?

CH : Non, ce n’est pas parce qu’il a envie de prendre la place de papa. C’est plus compliqué que cela. Et cela ne concerne pas que l’enfant. C’est le lien entre l’adulte et l’enfant qu’il faut prendre en compte. Il y a d’un côté ce qui se passe dans la tête de l’adulte, de l’autre ce qu’il y a dans la tête de l’enfant ; puis  les deux se croisent et s’entremêlent. Ce n’est jamais simple. Parfois, on voit tout d’un coup un petit garçon se conduire avec sa mère comme un adulte. Dans ces cas-là, il faut lui signifier qu’il n’est pas son père, pas le mari de sa mère. Mais Il y a chez certains adultes la méconnaissance du fait qu’il faut que l’enfant les aient comme modèles mais garde sa personnalité et se construise, puisse simplement devenir quelqu’un d’autre qu’eux et non pas un clone. Il faut aussi l’expliquer à l’enfant. Lui dire aussi qu’il ne prendra ni la place de papa, ni la place de maman, ni la place de la grande sœur, qu’il faut qu’il invente la sienne.

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